Faire primer « l’embauche des travailleurs » sur l’objectif de « faire des affaires »

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Alors que les délégués du 3e Congrès mondial de la Confédération syndicale internationale s’apprêtent à découvrir qui a été élu le pire employeur du monde, un nouveau rapport exhaustif vient de révéler quels sont les pires lieux au monde pour les travailleurs et les travailleuses.

L’indice CSI des droits dans le monde classe 139 pays à partir de 97 indicateurs internationalement reconnus, afin de déterminer où ont lieu les pires violations des droits des travailleurs.

Plus de 30.000 pages de données ont été examinées par la CSI en vue de créer cet indice, qui est une extension du Rapport annuel de la CSI sur les violations des droits syndicaux, publié depuis 1983.

L’indice, qui s’appuie sur les informations recueillies au cours des 12 derniers mois, a été élaboré pour servir de contrepoids au rapport Doing Business de la Banque mondiale, lequel classe les pays en fonction de la facilité d’y faire des affaires.

Les pays dont les travailleurs sont dotés de la plus grande protection y sont parmi les plus mal notés, alors que des pays tels que le Guatemala – pays le plus dangereux au monde pour les syndicalistes – sont parmi les mieux classés.

L’indice CSI des droits dans le monde classe les pays parmi six catégories : la catégorie « 1 » regroupe les pays dans lesquels les violations des droits sont sporadiques ; la catégorie « 3 » correspond aux pays dans lesquels les violations des droits sont systématiques ; la catégorie « 5+ » est celle des pays dans lesquels les droits ne sont pas garantis parce que l’État de droit s’y est effondré.

D’après les données révélées dans cet indice, les violations les plus courantes des droits des travailleurs sont liées à la participation à une grève ou à l’adhésion à un syndicat.

Au cours des 12 derniers mois, dans 35 pays au moins, des travailleurs ont été arrêtés ou mis en prison pour avoir réclamé un salaire décent, de meilleures conditions de travail et la sécurité de l’emploi.

Dans neuf pays, des travailleurs ont été assassinés pour intimider les syndicalistes. Huit pays (dont la République centrafricaine, la Syrie et l’Ukraine) sont classés dans la catégorie 5+.

La catégorie « 1 » regroupe des pays tels que l’Uruguay, la Barbade et le Danemark, qui sont considérés comme exemplaires et dotés des meilleures pratiques puisqu’ils respectent les 97 indicateurs des droits fondamentaux des travailleurs.

Steve Benedict, directeur du département des droits humains et syndicaux de la CSI, a dit que l’indice « est l’énumération la plus exhaustive des droits dans le monde », et souligné qu’il « met en exergue le fait inacceptable que dans des pays encore trop nombreux, les droits de grève, de négocier collectivement et d’adhérer à un syndicat ne peuvent toujours pas être exercés ».

Haldis Holst, secrétaire générale adjointe de l’Internationale de l’éducation a dit de l’indice des droits dans le monde : « Il est bon que cet indice mette en avant les bons exemples autant que les plus mauvais, puisque trop souvent nous nous contentons d’un des deux aspects ». Elle a toutefois observé que les pays les mieux classés ont eux aussi des améliorations à apporter.

« Prenez le Danemark, par exemple. Il n’y a pas si longtemps, un grave conflit du travail y a éclaté, portant sur le temps de travail des enseignants. Le gouvernement est allé jusqu’à imposer un lock-out », a-t-elle précisé.

« Un lock-out total de toute une catégorie professionnelle dans un pays où tout est si réglementé, voilà qui n’est pas courant. Certes, vous pourrez me dire que les lock-out, d’une certaine manière, sont légaux, mais il faut tout de même se demander : comment en est-on arrivé là ? »

Holst appelle à une vigilance constante : « L’histoire des violations des droits des travailleurs est rarement noire ou blanche, nous devons garder l’œil sur les zones grises. »

Freda S. Frimpong, une responsable de la jeunesse du Ghana Trade Union Congress, confirme : « C’est une bonne chose que le Ghana ne soit pas parmi les plus mal classés [note de l’éditeur : le Ghana relève de la catégorie 3]. Cela ne veut pas dire que des violations ne soient pas commises. Elles existent – mais sont parfois exprimées de manière subtile. »

« La discrimination antisyndicale est assez courante, en particulier à l’égard des jeunes récemment diplômés qui travaillent pour des entreprises multinationales. »

« Pratiquement aucun d’entre eux n’adhère à un syndicat, parce que leurs supérieurs ou leur employeur s’y opposent. Certains d’entre eux doivent même signer des papiers où il est dit qu’ils n’adhèreront pas à un syndicat, surtout dans le secteur bancaire, qui connaît une croissance très rapide au Ghana. »

« Mais l’indice nous donne une image très claire de qui commet réellement les violations, ce qui nous permet de savoir vers où diriger nos ressources, notamment en matière de campagnes et de soutien. »

 

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