La Grande-Bretagne adopte la loi antigrève « aux relents franquistes », toutefois sous une version édulcorée

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La Grande-Bretagne se classe en avant-dernière position en Europe, derrière la Lituanie, en termes du nombre de travailleurs couverts par la négociation collective. Nonobstant, le gouvernement britannique a réussi à faire passer une nouvelle loi plus sévère à l’égard des syndicats, qui avertissent qu’elle rendrait les mouvements de grève pratiquement impossibles.

Depuis sa victoire par une étroite majorité aux élections générales de mai 2015, le Parti Conservateur du Premier ministre David Cameron a diligenté l’adoption au parlement de nouvelles restrictions aux activités syndicales.

Le mercredi 4 mai, le projet de loi a obtenu la sanction royale pour se convertir en loi, toutefois au terme d’une bataille qui a vu le texte originel considérablement édulcoré.

Nonobstant, Len McCluskey, secrétaire général de Unite, a parlé d’un « jour noir » pour les travailleurs. Pour sa part, la secrétaire générale du Trade Union Congress, Frances O’Grady, a déclaré : « Les manuels d’histoire montreront que le premier acte majeur du gouvernement sous ce parlement a été d’attaquer le droit de grève – une liberté fondamentale en Grande-Bretagne. »

La disposition phare de cette législation est l’imposition d’un seuil de participation de 50% à tous les scrutins de grève – autrement dit que la moitié au moins des adhérents disposant du droit de vote doivent soutenir la grève pour que celle-ci soit légale.

Quant aux clauses restrictives, elles incluent des mesures qui pourraient s’avérer tout aussi nuisibles pour la capacité des syndicats à représenter leurs membres. Les superviseurs aux piquets de grève seront désormais tenus de donner leur nom à la police, une mesure que le député conservateur David Davis a comparée à l’Espagne franquiste.

John Hendy, l’avocat attitré des syndicats britanniques, a déclaré lors d’un entretien avec Equal Times : « Ça va certainement compliquer les choses à l’heure d’organiser des actions collectives. Certaines parties [du texte] vont avoir des répercussions profondes.

« Toujours est-il que les gens se sentent galvanisés et en colère face à cette loi superflue et néfaste », a-t-il indiqué « Elle pourrait, de fait, avoir pour conséquence inespérée de renforcer la participation aux actions collectives. »

 
Des marches en arrière

Les syndicats et les partis d’opposition ont contraint le gouvernement à abandonner quelques-unes des mesures les plus extrêmes. En novembre, le gouvernement a révoqué plusieurs propositions qui auraient obligé les syndicats à délivrer à la police un préavis de deux semaines pour toute action prévue sur les réseaux sociaux durant une action collective.

Le moment le plus humiliant est survenu lorsque le gouvernement a perdu trois votes en autant d’heures à la Chambre des Lords (chambre haute non élue) où les Conservateurs ne détiennent pas la majorité.

Le gouvernement s’est vu contraint de retirer du texte du projet de loi une proposition visant l’interdiction du prélèvement automatique des cotisations syndicales sur le salaire des travailleurs du secteur public, qui aurait vu les syndicats perdre des millions de livres sterling de revenus.

« Il y a un tas de choses qui ne vont pas avec ce projet de loi sur les syndicats mais l’interdiction pour les syndicats de recourir au système de check-off pour prélever les cotisations des employés du secteur public faisait partie de ses propositions les plus machiavéliques », a déclaré Dave Prentis, secrétaire général du syndicat du secteur public Unison.

L’ultime marche arrière était probablement aussi la plus significative. Le gouvernement a accepté de convoquer une révision pour déterminer si le vote de grève en ligne – une demande-clé des syndicats – est sûr. À l’avenir, les votes de grève pourraient dès lors être effectués en ligne plutôt que par la poste et permettre ainsi aux syndicats de surmonter le seuil de participation de 50%.

 
Un lien Brexit?

Certaines sources ont laissé suggérer que le Premier ministre aurait accordé ces concessions pour inciter les syndicats à mobiliser leurs membres au Référendum sur l’UE le 23 juin prochain. Face à la division des Conservateurs sur cette question, Cameron table sur les votes travaillistes pour conduire la campagne « Remain » (rester dans l’UE) vers la victoire.

Ian Lavery, ancien mineur qui est actuellement ministre des Affaires syndicales au sein du cabinet fantôme travailliste maintient sa ferme opposition à la loi.

« Même si les Travaillistes et le mouvement syndical ont travaillé sans relâche pour arracher ces concessions vitales et importantes, la loi reste foncièrement néfaste », a-t-il dit à Equal Times. « L’intention derrière cette loi n’est pas de « moderniser » le mouvement syndical mais bien de l’entraver. »

« Elle rendra plus difficile la défense par les syndicats de leurs droits au travail, plus difficile aussi l’organisation quand les droits sont menacés et plus difficile encore le recrutement de nouveaux membres. »

Lavery collabore avec les syndicats à la rédaction d’une nouvelle législation qui remplacera la nouvelle loi du Parti Conservateur la prochaine fois qu’un Premier ministre travailliste prendra ses quartiers à Downing Street.

 
Cet article a été traduit de l’anglais.