Les Égyptiens contestent le projet de loi sur les manifestations

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Les citoyens ordinaires et les défenseurs des droits humains en Égypte se mobilisent contre une nouvelle proposition de loi draconienne qui, si elle est adoptée par le gouvernement provisoire, imposera de lourdes restrictions au droit de manifester.

Depuis le renversement de Mohamed Morsi, le premier président démocratiquement élu d’Égypte, par l’armée en juillet, il ne se passe pratiquement pas un seul jour sans que les membres des Frères Musulmans et leurs partisans ne se rassemblent pour réclamer son rétablissement.

Alors que la loi d’urgence et le couvre-feu imposés à la suite du coup sont arrivés à échéance la semaine dernière, la nouvelle loi interdirait le droit de réunion ou de manifestation pacifique.

En octobre, les critiques – au nombre desquels se trouvaient de nombreux partisans du mouvement politique émergent Front de la voie révolutionnaire - se sont mobilisés contre le nouveau projet de loi sous le slogan « La rue est à nous ».

Dans un communiqué récent, Amnesty International a averti qu’en cas d’adoption, cette loi « ouvrirait la porte à de nouvelles effusions de sang ». L’organisation de défense des droits de l’homme a précisé que si elle était adoptée, « la loi restreindrait arbitrairement le droit de réunion pacifique et lâcherait la bride aux forces de sécurité en leur permettant un recours excessif à la force, y compris létale ».

Bien que le gouvernement n’ait pas encore publié de chiffres définitifs, des milliers de personnes auraient déjà perdu la vie depuis le soi-disant « Printemps arabe » de 2011.

Le 14 août, les forces de sécurité ont attaqué deux sit-in pro-Morsi au Caire, causant la mort d’un grand nombre de ses partisans.

Pour leur part, les défenseurs des droits humains se disent inquiets du fait que la proposition de loi puisse servir à justifier, voire à légitimer, la brutalité policière.

Ils craignent, par ailleurs, qu’une telle loi n’exacerbe encore davantage les tensions politiques en Égypte.

 

Moyens de répression

Le projet de loi élaboré par le ministère de la Justice comporte 21 articles, dont plusieurs sont considérés litigieux par les observateurs des droits civils.

En vertu de l’article 6, les organisateurs sont tenus d’informer le ministère de l’Intérieur 24 heures à l’avance de l’heure, du motif, des revendications, du lieu et des participants du rassemblement.

L’article 9 interdit tout sit-in et stipule que les manifestations ne peuvent troubler l’ordre public, ne peuvent nuire aux intérêts des citoyens et ne peuvent bloquer les routes publiques.

L’article 10 du projet de loi accorde au ministère de l’Intérieur le pouvoir de reporter ou d’annuler une manifestation ou d’en modifier le parcours.

Les pratiques du ministère de l’Intérieur ont été dénoncées en Égypte en tant que moyens de répression de toute opposition au régime en place.

Depuis que la révolution a éclaté, une grande partie de l’opinion égyptienne considère la restructuration de ce ministère comme une nécessité pour assurer une vraie transition à la démocratie.

 

Recours à la force létale

Un autre article fortement controversé est l’article 14, qui restreint les manifestations à proximité du palais présidentiel, des ministères, des commissariats de police, des tribunaux et des organisations internationales.

En Égypte, ce sont précisément des bâtiments de ce type qui servent de point de ralliement dans les grands rassemblements et les manifestations or la nouvelle loi, si elle est adoptée, interdira aux manifestants de s’approcher à moins de 50 ou 100 mètres de ces lieux et autorisera l’utilisation de canons à eau et de bombes lacrymogènes contre les protestataires considérés en infraction.

Le même article de loi permet aussi à la police de recourir à la force létale pour défendre des intérêts financiers.

Enfin, le projet de loi stipule que toute infraction sera passible d’une amende pouvant s’élever jusqu’à 50000 livres égyptiennes (environ 7200 dollars) et d’une peine de prison de jusqu’à trois mois.

Face aux critiques grandissantes suscitées par cette proposition de loi, le Premier ministre égyptien Hazem el-Beblaoui a récemment annoncé que le gouvernement inviterait les forces politiques du pays à prendre part à un débat sur le projet de loi au cours des prochaines semaines.

Il a ajouté que les résultats de ces discussions pourraient donner lieu à certains amendements dans le texte de la loi.

Mais malgré ces déclarations qui se veulent rassurantes, le scepticisme prévaut parmi les forces révolutionnaires en Égypte qui réaffirment leur engagement à résister sans relâche contre toute nouvelle dérive autoritaire.