Au Royaume-Uni, les agences pour l’emploi subissent la violence engendrée par l’austérité

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Tandis que les coupes effectuées par le gouvernement et les réformes de la sécurité sociale affectent un nombre croissant de Britanniques, les personnes qui travaillent dans les agences gouvernementales pour l’emploi et la sécurité sociale deviennent la cible de l’indignation de plus en plus vive des bénéficiaires des allocations.

« Incontestablement, je dirais que la situation s’est aggravée au cours de cette dernière année », signale une employée de l’agence nationale Jobcentre Plus dans l’ouest du Yorkshire, qui tient à garder l’anonymat.

« Nous avons toujours reçu des menaces et des insultes, mais cela se produit plus souvent maintenant, de même que les agressions physiques. »

Cet employée, qui travaille pour Jobcentre Plus depuis quatre ans, explique à Equal Times qu’une femme s’en est récemment pris à elle lorsqu’elle s’est rendu compte que ses allocations avaient été supprimées depuis un mois.

« Elle a essayé de me frapper, mais un autre allocataire l’a retenue. Elle hurlait qu’elle allait me tuer. »

« Ce genre de choses est déjà arrivé à la plupart de mes collègues et on nous menace parfois en nous disant de faire attention à la sortie du travail. Heureusement, personne n’a jamais été blessé mais je sais que cela s’est déjà produit dans d’autres endroits. »

Depuis un an, une hausse considérable du nombre d’incidents violents est à déplorer dans les centres d’emploi de l’ensemble du pays.

Concernant ce type d’incident, les médias locaux ont récemment signalé qu’un chômeur du Lincolnshire, à l’est de l’Angleterre, avait été arrêté par la police après avoir menacé le personnel de Jobcentre Plus avec un couperet à viande.

Les personnes qui connaissaient cet homme ont dit que ses allocations avaient cessé de lui être versées sans avertissement, au titre de l’application du régime des sanctions, par ailleurs sujet à controverse.

Deux autres incidents impliquant des armes blanches ont également été rapportés dans des agences pour l’emploi de la région au cours des derniers mois.

 

« Choquante mais pas surprenante »

Un récent rapport du Department of Work and Pensions (DWP), le service gouvernemental en charge de la sécurité sociale et du fonctionnement de Jobcentre Plus, révèle que le nombre d’agressions à l’encontre du personnel a augmenté de 45 % en un an – une hausse que le syndicat britannique Public and Commercial Services (PCS) qualifie de «choquante mais pas surprenante. »

D’après les chiffres du DWP, l’augmentation de 45 % des agressions physiques se traduit concrètement par 672 incidents pour l’année 2012-2013, contre 465 pour 2011-2012.

Sur la même période, les violences verbales et les menaces ont augmenté de 53 %, passant de 22 928 à 35 161, tandis que les « autres » incidents – notamment les dégâts matériels ou les bagarres n’impliquant pas le personnel – ont doublé, pour atteindre le nombre de 6399.

Le DWP affirme que cette hausse est en partie due aux changements opérés au niveau du mode de signalement de certains incidents.

Mais de nombreuses personnes considèrent que la véritable raison de ces violences réside dans l’indignation de plus en plus forte à l’égard des modifications du système de sécurité sociale, et de leurs répercussions sur la vie des Britanniques au quotidien.

Après les récents incidents du Lincolnshire, le secrétaire de la section locale du PCS, Nick Parker, a exhorté les gens à faire part de leur colère aux responsables politiques, et non au personnel des centres d’emploi.

« Depuis 2010, le PCS met en garde contre l’austérité, qui risque de mettre ses membres en danger, ce qui est malheureusement en train de se produire », annonce-t-il dans une déclaration.

« Nous voulons dire clairement que les membres du PCS sont des fonctionnaires, pas des responsables politiques, et que leur travail consiste à mener à bien les politiques du gouvernement et non à légiférer.»

« Ce sont les dirigeants politiques qui votent les lois au Parlement – notamment une hausse du salaire des députés de 11 % – qui devraient être tenus pour responsables de la pauvreté à l’origine de cette montée des comportements inacceptables », ajoute-t-il.

Certains allocataires frustrés déclarent cependant qu’ils trouvent que le personnel des centres pour l’emploi est en partie responsable.

« Je sais bien que ce n’est pas le personnel qui fait les lois. Mais il faut qu’il sache que c’est mal de jeter les gens dans la pauvreté », souligne un demandeur d’emploi devant l’agence de Jobcentre Plus de Rochdale, dans le Lancashire, sous couvert de l’anonymat, de crainte de se voir sanctionné [privé de ses allocations].

« Si les conseillers ne sont pas d’accord pour sanctionner les gens, ils devraient refuser de le faire », poursuit-il.

« Qu’ils changent de métier. Mon conseiller n’arrête pas de me dire qu’il existe de nombreux emplois

Parmi les autres incidents survenus dans les centres d’emploi, et dont les médias locaux se sont récemment fait l’écho, des agressions verbales et physiques contre le personnel sont à déplorer, ainsi que des voitures vandalisées et des tentatives d’incendie criminel.

Un tribunal a entendu le cas d’un chômeur de Manchester, qui avait essayé de mettre le feu à une agence de Jobcentre Plus lorsqu’on lui a supprimé ses allocations. Il n’avait pas mangé depuis trois jours et espérait qu’on lui donnerait à manger pendant sa garde à vue.

 

« Un régime draconien »

Après que des fenêtres ont été cassées à l’agence pour l’emploi de Sparkhill, à Birmingham, un porte-parole du groupe local de lutte contre l’austérité Birmingham Against the Cuts (BTAC) a précisé à Equal Times que la montée des incidents violents dans les centres d’emploi était « la conséquence directe du régime de plus en plus draconien » mis en place par le conservateur Iain Duncan Smith, le secrétaire d’État au travail et aux retraites.

« Les sanctions sur les allocations expliquent en grande partie cette situation; en effet, le recours aux sanctions est plus fréquent et les conseillers l’encouragent, car ils ont des objectifs précis à atteindre

« Nous sommes frustrés face au manque d’aide ou de soutien de la part du centre national pour l’emploi et face à l’empressement des conseillers d’imposer des sanctions », a-t-il indiqué.

« Il n’est pas vraiment étonnant, dans un environnement toujours plus hostile, que certaines personnes cèdent à l’exaspération et deviennent agressives

Aux termes du nouveau régime de sanctions, plus rigoureux, qui est entré en vigueur fin octobre 2012, les allocations de chômage peuvent être complètement supprimées pendant une période de quatre semaines à trois ans.

Les sanctions sont destinées à pénaliser les personnes qui ne font pas suffisamment d’efforts pour trouver du travail, mais le BTAC et d’autres entités estiment que les sanctions sont souvent appliquées de manière inappropriée.

Bev, une demandeuse d’emploi de Liverpool, explique à Equal Times qu’elle a été sanctionnée quatre fois en 2013, entre un mois et trois mois, parce qu’elle ne s’était pas présentée aux entretiens organisés dans le cadre du programme de recherche d’emploi, alors qu’elle n’avait pas reçu les courriers qui l’informaient de ces entretiens.

Aujourd’hui, Bev pense que le personnel des agences de Jobcentre Plus essaie volontairement de « piéger » les gens pour pouvoir les sanctionner.

« Il m’est souvent arrivé cette année de ne rien avoir à manger dans mon placard et de ne pas avoir d’électricité, parce que j’ai un compteur électrique prépayé », dit-elle.

« Je suis souvent déconcertée par rapport à ce que l’agence pour l’emploi attend de moi et, bien sûr, je me demande tout le temps si je vais avoir une nouvelle sanction ou non.

« Ils changent trop souvent les règles pour que les gens réussissent à se tenir informés, y compris le personnel.»

 

Démenti systématique

Le DWP dément systématiquement toute mesure interne destinée à supprimer les allocations des bénéficiaires, malgré les accusations répétées d’anciens employé(e)s des agences pour l’emploi et des groupes de lutte contre l’austérité.

En décembre, un ancien employé de Jobcentre Plus, devenu lanceur d’alerte, a signalé à la députée travailliste Debbie Abrahams et au Guardian que le personnel recevait des consignes en vue de réduire le nombre d’allocataires.

Cette personne affirme que tous les membres du personnel d’une agence pour l’emploi ont été menacés de faire l’objet d’une évaluation disciplinaire interne s’ils ne parvenaient pas à faire baisser le nombre de demandeurs/euses d’emploi inscrits sur les registres.

« En réalité, les allocataires sont délibérément piégés dans le but d’atteindre des quotas de sanctions, sans se soucier des principes élémentaires de justice ou de bien-être.

« Il est demandé aux membres du personnel de se comporter d’une manière contraire aux valeurs d’intégrité et d’honnêteté [du DWP].»

Le PCS s’attend à une recrudescence de la colère des chômeurs/euses à mesure de la poursuite des réformes de la sécurité sociale et il demande au DWP de mieux soutenir le personnel de terrain lorsque le système du crédit universel entrera en vigueur.

Le mécanisme du crédit universel, élaboré par Duncan Smith, consiste à ramener six types d’allocation différents à une prestation unique; il s’agira du plus grand changement effectué dans le système de sécurité sociale depuis la Seconde Guerre mondiale.

Le mois dernier, les ministres ont reconnu que ce nouveau système dépassait le budget prévu et qu’il avait pris du retard; par ailleurs, il est fortement critiqué, dans la mesure où un versement tardif des allocations ou la moindre erreur pourrait priver les bénéficiaires de toute ressource.

« Le crédit universel pose problème parce qu’il repose sur le mensonge selon lequel les gens choisissent de vivre des allocations ou d’occuper des emplois faiblement rémunérés », confie un porte-parole du PCS à Equal Times.

En plus de ce type de pressions, le PCS estime que, compte tenu des faibles salaires du secteur public, 40 % des employé(e)s de Jobcentre Plus chargés d’octroyer le crédit universel en seront eux-mêmes bénéficiaires.

« Cela montre bien que le niveau de salaire de milliers d’employés du DWP est scandaleusement faible, et à quel point les personnes qui travaillent dépendent des allocations de l’État pour survivre », ajoute le porte-parole du PCS.

« Au lieu de baisser les salaires d’année en année, puis de pénaliser les gens en raison de leurs faibles revenus, le gouvernement ferait mieux d’augmenter les salaires du secteur public et d’obliger les employeurs du secteur privé à améliorer le niveau de revenu en adoptant une hausse significative du salaire minimum.»