Inde : Réformes de la législation du travail au Rajasthan - un avant-goût de ce qui attend les travailleurs?

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Porté par le mandat clair que lui ont conféré les élections parlementaires indiennes organisées en avril et mai derniers, le gouvernement de Narendra Modi du BJP (Bharatiya Janata Party) promet de relancer l’économie indienne mal en point en accélérant la création d’emplois et en rétablissant la confiance des investisseurs.

Afin d’atteindre cet objectif, Modi a dévoilé des initiatives visant à augmenter les investissements directs étrangers dans certains secteurs industriels à haute intensité de main d’œuvre, ainsi que l’investissement public dans l’infrastructure.

Lors de sa campagne électorale, Modi a également parlé de ses projets visant à encourager la « création d’actifs » et à permettre aux entreprises d’évoluer dans un environnement « plus propre ».

Les syndicats indiens sont en revanche profondément préoccupés par l’exemple donné par le BJP dans l’État du Rajasthan au Nord de l’Inde, où un cortège de réformes du droit du travail, visant à rendre l’État de 69 millions d’habitants plus favorable aux employeurs, vient d’être approuvé.

Les réformes, présentées par le ministre principal du Rajasthan et membre du BJP Vasundhara Raje Scindia sans consultation avec les syndicats, ont été unanimement qualifiées de « catastrophiques » pour les travailleurs par les centrales syndicales.

Au cours de son mandat de ministre principal du Gujarat entre 2001 et 2014, les efforts menés par Modi en faveur d’une flexibilité accrue du marché du travail, en particulier sous la forme des Zones économiques spéciales, ont été sous le feu des critiques des représentants syndicaux.

Les réformes engagées au Rajasthan ont pour effet d’amender trois législations du travail capitales : Factories Act (loi sur les usines), Contract Labour Act (loi sur le travail sous contrat) et Industrial Disputes Act (loi sur les différends industriels).

La semaine dernière encore, de nouvelles propositions ont été faites afin d’amender deux nouveaux textes législatifs, affectant les apprentis et les 1200 opérateurs de chaudière de l’État.

Toutefois, l’amendement qui aura le plus grand impact sur les travailleurs du Rajasthan est celui concernant la loi sur les différends industriels.

Jusqu’à présent, seules les entreprises employant au maximum 100 personnes étaient autorisées à licencier des travailleurs ou fermer leurs portes sans l’aval du gouvernement fédéral.

Les amendements relèvent ce plafond à 300 travailleurs.

« Plus de 75% de la main d’œuvre de ce pays travaille pour des sociétés de moins de 300 employés, dans ces conditions, que réservera l’avenir aux travailleurs indiens ? » demande Amarjit Kaur, secrétaire national du syndicat All India Trade Union Congress (AITUC).

 

Éradication des syndicats

Les amendements compliquent également les conditions d’enregistrement des syndicats en portant de 15% à 30% le pourcentage des travailleurs affiliés au syndicat sollicitant son enregistrement.

« Il semble que le gouvernement souhaite éliminer le syndicalisme afin de donner plus de pouvoir aux employeurs » déclare Tapan Sen, secrétaire général de la centrale Centre of Indian Trade Unions (CITU).

« Les employeurs veulent empêcher les travailleurs de se syndicaliser et recherchent même des moyens de se débarrasser des membres des syndicats ou des syndicats eux-mêmes. »

Même Saji Narayanan, président national de Bharatiya Mazdoor Sangh (BMS), syndicat associé au BJP, est mécontent des développements au Rajasthan.

« Comment le gouvernement peut-il prendre de telles initiatives antisyndicales sans organiser de réunion tripartite ni informer les travailleurs et les syndicats ? » demande-t-il.

Les associations d’employeurs, qui ont tendance à considérer le droit du travail comme un obstacle à la création d’emplois, se sont félicitées des réformes.

Elles font également pression en faveur de mesures plus contraignantes relatives aux grèves et exigent la suppression d’une autre disposition essentielle de la loi Industrial Act obligeant les employeurs à donner un préavis de 21 jours avant toute modification des conditions de travail, mesure qui, d’après les employeurs, occasionne un système de production inefficace et rigide.

Il est toutefois utile de rappeler à cet égard qu’environ 86% de la main d’œuvre indienne de 460 millions de personnes travaille dans l’économie informelle et que la vaste majorité de ces travailleurs est privée de véritable protection juridique.

A cet effet, les onze plus grandes centrales syndicales indiennes – dont All India Trade Union Congress (AITUC), Centre of Indian Trade Unions (CITU), Hind Mazdoor Sabha (HMS) et Self-Employed Women’s Association (SEWA) – ont rédigé une lettre conjointe appelant le gouvernement à répondre aux « besoins fondamentaux des travailleurs

 

Traduit de l’anglais par Equal Times.