Les démolitions de logements à Jérusalem considérées comme des « crimes de guerre »

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Le 31 décembre 2014, la Cour suprême israélienne a rejeté une demande en vue d’empêcher la démolition des logements de cinq Palestiniens de Jérusalem-Est, accusés d’être responsables de plusieurs attentats dans la ville.

L’organisation israélienne de défense des droits humains, HaMoked, ayant épuisé tous les recours juridiques à sa disposition, quatre logements attendent leur démolition imminente. Un foyer a déjà été démoli en novembre et une décision se fait encore attendre pour un sixième logement du fait de circonstances atténuantes.

La décision est tombée le 31 décembre, seulement quelques heures avant que le président palestinien, Mahmoud Abbas, demande à rejoindre la Cour pénale internationale (CPI), une adhésion qui devrait permettre à l’Autorité palestinienne de poursuivre Israël pour une série d’accusations de crime de guerre.

Toutefois, des groupes locaux et internationaux de défense des droits humains estiment que la politique de démolition constitue en soi un crime de guerre.

« Ces démolitions ont lieu dans une zone sous occupation militaire qui est donc régie par la quatrième Convention de Genève », a expliqué Joe Stork, directeur adjoint de la division pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord chez Human Rights Watch aux journalistes d’Equal Times.

Et d’ajouter : « Nous parlons d’un acte punitif collectif qui, sous toutes ses formes, peut être qualifié de crime de guerre. La question n’est pas de savoir s’il est dissuasif ou pas. Et même s’il l’était, il pourrait toujours être qualifié de sanction collective. »

Tout indique que l’année 2014 a été particulièrement violente pour la population des territoires palestiniens occupés.

Près de 2200 Palestiniens ont été tués en 50 jours, au mois de juillet et d’août, au cours de l’opération « Bordure protectrice » à Gaza, menée à la suite de l’enlèvement et de l’assassinat de trois adolescents israéliens, prétendument par deux membres du Hamas.

En représailles, en juillet, à Jérusalem, trois Israéliens d’extrême droite ont tué un adolescent palestinien, Mohammad Abu Khdeir, déclenchant une série de règlements de compte à Jérusalem, en Cisjordanie et en Israël.

Le 18 novembre, l’attaque d’une synagogue dans le quartier de Har Nof, à l’ouest de Jérusalem, a tué cinq Israéliens.

Dans la foulée, le premier ministre, Benjamin Netanyahu, a immédiatement ordonné la démolition des maisons des deux assaillants, ainsi que d’autres Palestiniens tenus responsables de récents violents incidents.

Toutes les personnes suspectées ont été tuées par les autorités immédiatement ou peu de temps après l’attentat.

 

Actions dissuasives ou sanctions aveugles ?

Nadia Abu Jamal, l’épouse de 31 ans de l’un des assaillants de la synagogue, mène plusieurs batailles juridiques depuis lors : outre la démolition de l’appartement où elle vit avec deux jeunes enfants et d’autres membres de sa famille, elle est menacée du retrait de son droit de résider à Jérusalem et de l’assurance-santé de ses enfants.

« Je ne suis pas autorisée à continuer à vivre », explique-t-elle. « Pourquoi les assassins de Muhammad Abu Khdeir ne sont-ils pas punis de la même façon ? »

Le gouvernement israélien prétend que les démolitions servent à décourager d’autres attentats terroristes, mais cette politique ne s’applique qu’aux Palestiniens accusés d’attaques envers des Israéliens, et jamais dans l’autre sens.

Le fondement juridique de cette pratique est la Règlementation n° 119 des Lois de défense (Urgence) de 1945, promulguées sous le mandat britannique et intégrées au droit israélien.

Interrompue en 1998, la pratique a repris en octobre 2001, lors de la deuxième Intifada.

Vers la fin de 2004, 4182 hommes, femmes et enfants innocents se sont retrouvés sans toit à la suite de démolitions menées par l’armée israélienne.

En 2005, une commission d’enquête a établi qu’aucune preuve ne permettait d’affirmer que cette stratégie comportait un effet dissuasif contre le terrorisme et a recommandé que l’on cesse de recourir à cette politique.

Pourtant, les démolitions ont repris en juin 2014 pour faire pression sur le Hamas que le gouvernement israélien rendait responsable de l’enlèvement des trois étudiants de la Yeshiva.

Ibrahim Hijazi, le père de Muataz Hijazi, l’homme responsable de la tentative d’assassinat du rabbin d’extrême droite Yehuda Glick en octobre dernier, a peu de foi en la justice israélienne.

Mercredi dernier, les tribunaux ont accordé 15 jours supplémentaires au ministère de la Défense pour décider si son logement du quartier d’Abu Tor à Jérusalem-Est devait ou pas être démoli.

Muataz Hijazi a été tué par la police le 29 octobre 2014 sur le toit même de l’immeuble.

« Même s’il était coupable, sa culpabilité aurait dû être prouvée par les tribunaux. Au lieu de cela, ils lui ont tiré dessus à 20 reprises », explique son père.

« L’objectif [des démolitions] est de nous pousser à quitter Jérusalem. Je ne suis pas le premier et je ne serai pas le dernier », conclut Ibrahim Hijazi.