Les travailleurs du Ghana assaillis par la crise énergétique

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Il n’a pas si longtemps, le Ghana était présenté comme un exemple de réussite économique.

La stabilité financière de cette nation ouest-africaine a, toutefois, été ébranlée par une crise énergétique persistante qui a entraîné des pertes d’emplois et des mouvements de protestation massifs.

Les autorités invoquent les faibles niveaux d’eau au barrage hydroélectrique d’Akosombo – principal fournisseur d’énergie du Ghana – et les pénuries de gaz empêchant l’alimentation correcte des centrales thermiques du pays parmi les principales causes d’une crise qui a vu le jour en 2006 mais qui s’est intensifiée au cours des deux dernières années.

Certains observateurs imputent aussi les coupures d’électricité, ou dumsors comme on les appelle localement, à la vétusté des équipements et des infrastructures des trois centrales électriques du pays, ainsi qu’à une demande énergétique nettement au-dessus de la capacité d’approvisionnement.

En février, la compagnie électrique nationale du Ghana (ECG) a introduit une grille de rationnement de l’électricité et à présent, des périodes de coupure de 24 heures sont suivies de 12 heures d’approvisionnement électrique.

L’Association of Ghana Industries (AGI) a plaidé auprès de l’ECG pour que des pôles industriels importants comme Tema et Accra North soient exemptés de la grille de rationnement mais le principal distributeur d’électricité du pays maintient que l’électricité disponible est insuffisante pour satisfaire la demande de l’industrie.

L’AGI, dont les membres sont majoritairement des industriels, s’est elle aussi amèrement plainte de la crise énergétique suite à la baisse marquée de la production au cours du dernier trimestre.

Des entreprises de premier plan comme Coca-Cola, Cadbury Ghana et l’entreprise de matériaux de construction Mantrac ont même commencé à réduire leurs effectifs.

D’après James Asare-Adjei, président de la l’AGI : « La situation est critique et il revient aux dirigeants de l’Electricity Company of Ghana, de la Volta River Authority (VRA) et de la Ghana Grid Company (GRIDCO) d’y remédier, pour éviter d’anéantir nos industries. »

 

Menace de nouvelles réductions d’effectifs

Cependant, la menace de nouvelles réductions d’effectifs pend au nez des travailleurs ghanéens.

D’après Solomon Kotei, secrétaire général de l’Industrial and Commercial Workers Union (ICU), « plus de 60 entreprises devraient faire l’objet de fermetures temporaires et d’autres seront fermées définitivement ».

L’ICU a aussi laissé entendre que « plus de 2000 travailleurs risquaient de perdre leur emploi d’ici fin juin 2015, faute d’une amélioration dans le secteur commercial. »

Les petites et moyennes entreprises (PME) n’échappent pas, elles non plus, au fléau de la crise énergétique.

Pour pouvoir continuer de fonctionner, une majorité d’entreprises, surtout dans le secteur des services, a recours à des groupes électrogènes coûteux, bruyants et nuisibles à l’environnement.

Résultat, les entreprises n’ont d’autre choix que de répercuter sur les consommateurs les frais d’exploitation supplémentaires ainsi engendrés.

Interviewée par Equal Times, Roberta Torkornoo, directrice des ressources humaines du Coconut Grove Hotel, à Cape Coast, indique : « La crise affecte profondément les activités de l’hôtel, au point de devoir acheter du diesel au prix de 2500 cedis (658 USD) tous les deux jours pour pouvoir maintenir l’hôtel ouvert. »

Angela Owusua est une grossiste de volaille et de poisson surgelés à Accra. « Après avoir dépensé tout mon argent à l’achat de combustible pour alimenter les chambres froides, je ne sais pas très bien comment je vais pouvoir payer les salaires à la fin du mois. Il m’arrive d’envisager de fermer l’entreprise durant un temps pour éviter que les dettes ne s’amoncellent », dit-elle.

 

Affronter la crise

À la fin de l’année dernière, un nouveau ministère issu du ministère de l’Énergie et du Pétrole a vu le jour.

En février, dans le cadre de son Discours sur l’état de la Nation prononcé devant le parlement ghanéen, le président John Dramani Mahama a présenté les mesures projetées par son gouvernement pour renflouer le secteur de l’énergie avec l’importation depuis les Émirats arabes-unis, de la Turquie et des États-Unis de centrales électriques montées sur barges.

« Grâce aux contrats d’approvisionnement électrique que nous avons passés avec plusieurs fournisseurs indépendants, nous espérons pouvoir injecter 3665 mégawatts d’électricité dans notre réseau national », a proclamé le président Mahama.

La capacité totale de production électrique du Ghana s’élève à approximativement 2900 mégawatts mais la production réelle se limite actuellement à 1200 mégawatts.

Le ministre de l’Énergie, Kwabena Donkor, a déclaré publiquement qu’il donnerait sa démission s’il ne parvenait pas à résoudre la crise énergétique d’ici la fin de l’année.

Le gouvernement vise également une solution à long terme à la crise de l’énergie, que l’administration tient à mettre en œuvre avant les élections générales de décembre 2016.

Une partie de la stratégie du gouvernement consistera à attirer les investissements dans la société publique de distribution électrique en ouvrant le secteur de la production électrique au secteur privé, soit à travers une privatisation partielle soit par le recours aux contrats de concession.

Cependant, n’arrivant à tomber d’accord sur un calendrier de mise en œuvre, les dirigeants de la centrale syndicale ghanéenne Trades Union Congress (TUC) et de la Ghana Employers Association (GEA) ont appelé le gouvernement à mettre en œuvre des mesures à court terme pour minimiser les coupures de courant.

Kofi Asamoah, secrétaire général du Ghana Trades Union Congress, a déclaré dans un communiqué : « Il incombe au gouvernement d’accorder la priorité au secteur énergétique et d’œuvrer assidûment à la recherche d’une solution à la crise dès lors que les retombées de la crise représentent une menace pour la sécurité nationale. »