Les bénéfices du Brexit

Ces derniers mois, j’ai remarqué qu’une question revenait régulièrement dans les médias sociaux : on demandait aux gens de citer à tout le moins un bénéfice du Brexit.

Après mûre réflexion, je suis finalement parvenu à en trouver quelques-uns. Dans le futur, l’aéroport de Dublin offrira un accès à des boutiques hors taxes pour les vols à destination de Londres. Et, lorsque le gouvernement britannique trahira inévitablement le Parti unioniste démocrate (DUP) d’Irlande du Nord et fixera la frontière entre le Royaume-Uni et l’Irlande au beau milieu de la mer d’Irlande, prix désespéré qu’il devra payer pour obtenir un accord commercial avec l’Union européenne, un pas important vers la réunification de l’Irlande aura été franchi. Toutefois, étant donné que la marche vers la réconciliation entre les Irlandais avait déjà été tracée par l’accord du Vendredi saint, on aurait probablement pu allègrement se passer de ce bénéfice particulier.

À part ces exemples cependant, la recherche des bénéfices qui pourraient découler du Brexit a constitué une quête désespérée. Cela fait longtemps que les partisans du Brexit sont incapables de donner une réponse lorsqu’on les défie de nommer les lois européennes auxquelles ils s’opposaient. Et même les plus niais semblent s’être rendu compte que ces histoires de « bananes courbes » étaient des mythes farfelus et les promesses concernant les 350 millions de livres sterling par semaine pour le National Health Service britannique n’étaient que de cyniques mensonges.

Bien entendu, le Brexit entraîne d’énormes bénéfices pour certains, mais pas pour la grande majorité de ceux qui se sont fait duper et qui ont voté en sa faveur, pas même pour les racistes et les xénophobes pour qui les préoccupations économiques sont reléguées au second plan après celles de la haine.

Non, ceux qui en profiteront sont des idéologues d’un tout autre ordre. Il s’agit d’une élite politique et sociale qui a mené une campagne contre l’UE afin de concentrer plus fermement le pouvoir entre leurs mains, indépendamment du coût social et économique pour la majorité.

Malgré tous leurs discours sur la souveraineté du Parlement, les premiers fruits de leur labeur seront atteints si les propositions de loi d’abrogation actuellement soumise à l’examen du Parlement sont promulguées sans aucun amendement législatif, conférant ainsi aux ministres les pouvoirs considérables (à la manière d’Henri VIII) que ces propositions réclament. Ces pouvoirs permettront aux ministres de légiférer sans avoir recours au Parlement durant les années à venir.

Et il est probable que ces pouvoirs soient alors utilisés pour permettre à l’élite politique de récompenser certains de leurs partisans les plus cyniques : ceux qui étaient hostiles aux règlements de l’UE qui protégeaient les droits des travailleurs, les normes environnementales et la sécurité alimentaire. Ils se verront accorder le bûcher réglementaire dont ils rêvent depuis longtemps et que les chefs de file de la campagne du Brexit avaient promis.

Jour après jour, au fur et à mesure que la proportion de la catastrophe et des atrocités spécifiques que causera le Brexit apparaît au grand jour, il semble particulièrement irrationnel de la part du gouvernement britannique et d’une majorité de l’opposition de rester résolus à accepter ce désastre. Mais pour certains aux plus hauts échelons du gouvernement, tout cela semble être le prix à payer pour atteindre le pouvoir suprême dans la dévastation qui suivra.

Le fait que le Parti travailliste, actuellement dans l’opposition, facilite avec lâcheté ce désastreux saut dans le vide, jusque dans ses déclarations les plus récentes, apparaît comme encore plus bizarre. Tels sont les dégâts que peuvent causer les rêvasseries éveillées voulant qu’un mystique « Brexit du Peuple » puisse engendrer « le socialisme dans un seul pays ».

C’est alors cependant que les carrières de ceux qui facilitent actuellement ce gâchis, tant à gauche qu’à droite, prendront naturellement fin, au moment où la réalité reprendra ses droits dans toute sa férocité. Ils vivront une retraite confortable alors que la génération suivante devra se démener pour recoller les morceaux.