Ukraine: Les accidents ferroviaires se multiplient au rythme des suppressions de postes et de la corruption

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Les travailleurs des chemins de fer ukrainiens organisent des manifestations bruyantes à Kiev contre les réductions de postes, le manque de sécurité, la précarité des conditions de travail et la corruption dans le secteur des transports publics.

La société de chemins de fer de l’État, Ukrzaliznytsia, a fait l’objet de réductions budgétaires et de restructurations drastiques, cependant que les accidents ferroviaires sont en progression : 26 pour cent depuis janvier.

 

Les pertes d’emploi résultent de la suppression de plusieurs lignes urbaines et de banlieue, dans ce qui est actuellement le 14e plus important réseau ferroviaire au monde.

D’après l’Union internationale des chemins de fer, Ukrzaliznytsia se classe également sixième transporteur ferroviaire de passagers et septième transporteur ferroviaire de fret à niveau mondial.

En octobre 2011, la direction de la compagnie a dévoilé ses plans de restructuration, qui prévoyaient notamment une réduction de près de 25% de son trafic de passagers.

Ces plans ont été mis en application quasi intégralement, en dépit du mécontentement des passagers.

Dans le même temps, les chemins de fer ukrainiens ont totalement supprimé les trains électriques dans 18 localités réparties sur 11 régions du pays.

Le management a invoqué la faible rentabilité de ces lignes.

Les passagers sont désormais obligés de se replier sur les services de transport routier, qui sont trois fois plus chers et nettement plus polluants que les chemins de fer.

Les licenciements de personnel se sont accompagnés d’une augmentation des heures supplémentaires pour les employés qui ont conservé leurs postes.

Les conducteurs sont à présent appelés à travailler jusqu’à quatre jours sans interruption, ce qui accroît la probabilité d’accidents. Selon les statistiques officielles, 58 accidents ferroviaires sont survenus entre janvier et août 2012, soit une augmentation de 26 pour cent au regard de la même période en 2011.

Les conducteurs et les contrôleurs soutiennent que l’augmentation de la durée de travail ne se reflète pas nécessairement par une augmentation des salaires.

D’après les chiffres officiels, le salaire moyen des travailleurs des chemins de fer ukrainiens en 2012 s’élevait à 3.720 hryvnias (460 dollars).

Pour comble, les travailleurs dénoncent un phénomène de corruption endémique.

« Un système est en place qui gangrène tous les échelons de l’industrie ferroviaire, du niveau le plus élevé jusqu’au niveau le plus bas de la direction », disent-ils.

Le transport illicite de passagers, de bagages et de fret est pratique courante.

Tous ces faits ont été dénoncés publiquement durant une manifestation récente devant le ministère de l’Infrastructure.

Un chef de train de l’Ukrzaliznytsia portrait un étendard sur lequel on pouvait lire : « La corruption détruit les chemins de fer ukrainiens. »

 « Les chefs de train sont obligés de graisser la patte aux contrôleurs pour pouvoir voyager. Le montant varie en fonction du trajet. Dans certains trains, cette enveloppe peut atteindre 1.000 dollars par mois », confie-t-il.

Les contrôleurs soutirent des pots-de-vin aux chefs de train, les hauts fonctionnaires en font de même vis-à-vis des contrôleurs et ainsi de suite jusqu’aux plus hauts rangs de l’administration.

C’est ainsi que les chefs de train se voient contraints d’accepter que des passagers et des bagages soient introduits clandestinement dans les wagons, ajoute-t-il.

Le Syndicat indépendant des travailleurs ferroviaires, dont le siège se trouve à Kharkiv, était parmi les organisateurs des manifestations.

Les manifestants ont appelé la direction d’Ukrzaliznytsia et le ministère de l’Infrastructure à soumettre les autorités ferroviaires locales, à Kharkiv, à un contrôle approfondi.

L’attention suscitée dans les médias par les manifestations de Kiev a poussé la direction à amorcer des négociations, qui ont conduit à un premier accord.

Le dirigeant du syndicat, Alexander Abrosimov, a annoncé la réouverture prochaine d’une partie des lignes supprimées.

Ukrzaliznytsia a, d’autre part, mis sur pied une commission chargée de surveiller le respect des réglementations du travail et des droits syndicaux à Kharkiv.

Une rencontre a eu lieu ce mardi entre le syndicat et les membres de la commission, durant laquelle ceux-ci ont été mis au fait des abus survenus dans les chemins de fer locaux.

Abrosimov a informé Equal Times que la suite des actions du syndicat dépendra des résultats des investigations de la commission.

En vertu de la législation ukrainienne, les travailleurs des chemins de fer ne sont pas autorisés à faire grève.

Abrosimov a, toutefois, indiqué que les travailleurs étaient prêts à recourir à la désobéissance civile à n’importe quel moment.

« Si la direction d’Ukrzaliznytsia ne veut pas tenir compte de l’opinion des syndicats, s’ils ne veulent pas enrayer la corruption, nous bloquerons les chemins de fer avec l’aide des passagers », a-t-il affirmé.