Que représente l’élection de Chavez aux yeux des travailleurs ?

Opinions

 

Les élections présidentielles au Venezuela ont focalisé l’attention internationale.

La plupart des médias prévoyaient que la tension manifeste entre les partisans du président sortant Hugo Chavez et ceux de l’opposition se solderait par le refus, d’un camp comme de l’autre, d’accepter un verdict défavorable à l’issue du scrutin et que s’ensuivrait une vague de violence incontrôlable.

Certains messages publiés sur les réseaux sociaux sont allés jusqu’à inciter une razzia sur les provisions, pas seulement sur les denrées de première nécessité mais aussi sur les articles d’électroménager.

Mais en réalité ces appels n’ont pas eu de retentissements majeurs.

Aucune des prédictions ne s’est réalisée. Les élections se sont déroulées dans le calme, pratiquement sans incidents.

La participation a été très élevée (supérieure à 80%) dès les premières heures et les résultats ont été annoncés avec diligence.

Le candidat de l’opposition, Henrique Capriles, a immédiatement reconnu le triomphe de son adversaire et a évité ainsi un soulèvement des factions les plus radicales de son parti, lesquelles se sont contentées d’exprimer leur colère et leur déception sur internet.

Dans un camp comme dans l’autre, les syndicats sont généralement restés en marge du duel préélectoral.

 On est désormais bien loin des temps du Bureau syndical d’action démocratique, l’un de deux partis fondamentaux du modèle bipartisan qui a régné sur le pays jusqu’à la fin du XXe siècle et qui avait une influence décisive sur l’élection des candidats.

Il convient, néanmoins, de signaler l’appel du gouvernement, à quelques mois des présidentielles, en faveur de l’adoption d’une nouvelle loi du travail, qui s’est convertie en un enjeu important du débat électoral.

La Loi organique du travail, de la travailleuse et du travailleur, promulguée en mai 2012, a permis au gouvernement de tenir sa promesse de longue date eu égard à la restauration du régime de prestations sociales, qui avait été sérieusement affaibli sous le dernier gouvernement du président Caldera.

La nouvelle loi réduit modestement la durée du travail diurne à quarante heures semaine et introduit une disposition inédite relative à l’obligation d’accorder aux travailleurs deux jours consécutifs de repos hebdomadaire.

Corollairement, elle a étayé la stratégie du gouvernement consistant à mettre en contraste ses propositions en matière de travail avec les revers enregistrés aux plans de la législation du travail et de la sécurité sociale en Europe et aux États-Unis.

Qui plus est, elle vient affirmer le rôle des conseils des travailleurs en tant qu’ « expression du pouvoir populaire pour la participation au premier plan du processus social du travail, aux fins de produire des biens et des services répondant aux nécessités du peuple. »

Les conseils ouvrent un espace de dialogue extrêmement intéressant pour le mouvement des travailleurs.

Il s’agit d’une proposition qui vise à limiter et à contrôler les pouvoirs du patronat au sein des entreprises et des institutions privées et publiques.

La nouvelle législation vise en outre à délimiter les fonctions du conseil par rapport à celles des syndicats, tout en assignant à ces derniers le rôle primordial en matière de négociation collective et de grève.

De sorte que les délégués à la prévention assumeront la responsabilité de la surveillance des conditions et du milieu de travail, les syndicats celle de la revendication et les conseils celle du contrôle ouvrier et de la cogestion.

Au cours de ce débat, des approches seront proposées pour permettre aux travailleuses et travailleurs de cesser d’être de simples fournisseurs de main-d’œuvre et d’assumer le rôle de citoyens conscients de leurs droits et de leurs responsabilités.

Dans notre culture productrice, la démocratie semble s’arrêter aux portes des lieux de travail, où l’hégémonie du patronat et l’imposition de leur volonté apparaissent comme « normales ».

Il conviendrait dès lors de se demander : Si toutes les forces politiques du Venezuela, jusque dans leurs courants les plus divergents et parfois contradictoires, s’accordent sur le fait que la démocratie constitue le système de gouvernement le plus efficace pour apporter des solutions à nos problèmes, pourquoi ne pas démocratiser l’entreprise et les relations du travail ?

Aussi est-il primordial que le débat parte de ce changement de paradigme fondamental, fondé sur le compromis et la participation des travailleurs en tant que protagonistes.