Les revendications sociales paralysent Jakarta

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Des dizaines de milliers de manifestants sont descendus dans les rues de Jakarta mercredi et jeudi pour réclamer de meilleurs salaires, de meilleures conditions de travail et l’accès gratuit aux soins de santé.

Malgré une croissance qui figure actuellement parmi les plus fortes au monde, les bienfaits qui en découlent ne profitent pas à l’ensemble de la population de cette nation d’Asie du Sud-est. De fait, près de 40 pour cent, soit environ 20 millions des 35 millions des salariés du secteur structuré en Indonésie sont sous payés et dépourvus de protection.

Les travailleuses et les travailleurs indonésiens ont défilé à travers la capitale pour rejoindre le rassemblement devant le palais présidentiel d’où ils ont appelé le gouvernement – et les employeurs – à respecter l’actuelle ordonnance ministérielle qui vise à limiter l’externalisation, à supprimer la cotisation obligatoire des travailleurs au système de santé national et à mettre fin à la main d’œuvre bon marché.

S’agissant de ce dernier point, le gouvernement s’est engagé, cette semaine, auprès des travailleurs de Jakarta à augmenter le salaire minimum de 44 pour cent, portant celui-ci à 2,2 millions de rupiahs (228 dollars) par mois dès l’année prochaine.

Cependant, les revendications des travailleurs en faveur de réformes et d’augmentations salariales se multiplient aux quatre coins du pays.

Des rassemblements similaires ont eu lieu en Java occidental et oriental, où sont implantés plus de 40 parcs industriels, avec une main-d’œuvre de plus de 25 millions de travailleurs.

Les grévistes protestaient également contre les démarches de l’Association des entrepreneurs cherchant à entraver les régulations relatives à l’externalisation. Celles-ci ont récemment été révisées pour restreindre le recours généralisé à cette pratique à seulement cinq secteurs – la sécurité, la restauration, la conduite de véhicules, le nettoyage et les services de support minier.

 

« Lutte pour la justice »

La manifestation, à laquelle ont également participé des centaines d’étudiants de différentes universités, était organisée conjointement par la KSPSI (Confédération syndicale des travailleurs de l’Indonésie), la KSPI (Confédération des syndicats indonésiens de travailleurs), la KSBSI (Confédération indonésienne des syndicats ouvriers pour la prospérité) et l’OPSI (Organisation indonésienne des travailleurs).

« Le moment est venu pour nous de lutter pour la justice sans plus tarder, plutôt que d’attendre des dons ou la charité des employeurs », a déclaré Said Iqbal, président de la KSPI, lors d’une tribune libre organisée à quelque pas du palais présidentiel.

Mercredi, des milliers de travailleuses et travailleurs organisés par le National Workers Union (SPN) ont occupé le palais présidentiel et ont appelé le président Susilo Banbang Yudhoyono à promulguer un règlement tenant lieu de loi, obligeant les employeurs à prendre en charge la contribution de leurs employés au programme de santé national, conformément au verdict récent de la cour constitutionnelle qui, dans le cadre de l’examen de la loi de 2004 relative au régime de sécurité sociale, a mis la contribution aux programmes de sécurité sociale à charge des employeurs.

D’après Iqbal, la majorité des salariés est sous-payée et, pour autant, ne devrait pas avoir à payer un supplément pour accéder au système de santé national, qui est un droit constitutionnel.

Pour le président de la KSBSI, M. Mudhofir, le taux de croissance moyen de six pour cent par an enregistré par son pays depuis la crise économique asiatique de 1997 devrait suffire au gouvernement pour mettre fin au recours à la main-d’œuvre bon marché.

« Les travailleurs sont à bout de patience », a-t-il souligné, avant d’ajouter qu’ils continueraient à faire pression sur le gouvernement pour qu’il accepte la liste des 80 conditions salariales à réunir pour garantir des salaires décents.

Le ministre indonésien de la Main-d’œuvre et de la Transmigration, Muhaimin Iskandar, a appelé les grévistes à réintégrer leurs postes de travail.

« Les deux jours de grève représentent des millions d’heures de travail perdues, tant pour les travailleurs que pour les employeurs, outre l’arrêt des processus industriels et la suspension de la production.

« Il est préférable pour les syndicats ouvriers de canaliser leurs aspirations à travers le Conseil national de sécurité sociale (DJSN), en soumettant celles-ci à la session plénière, en présence des parties concernées, afin d’élaborer des projets de régulation visant la mise en application des programmes de sécurité sociale », a-t-il indiqué.

Le ministre a ajouté qu’il n’était pas possible pour le gouvernement de relever unilatéralement le taux de salaire minimum dès lors qu’il devait prendre en compte les intérêts des entreprises du pays et restaurer un climat d’investissement propice à la création d’emplois.

« Les travailleurs doivent prendre conscience du fait que les employeurs, de même que les investisseurs, doivent être incités à développer leurs affaires et à engranger des bénéfices qui leur permettent de rémunérer leurs employés adéquatement », a-t-il conclu.