L’élimination de la violence contre les femmes est un défi éminemment politique

L'élimination de la violence contre les femmes est un défi éminemment politique

Half of the world’s female population has been the victim or survivor of rape, sexual assault, murder, slavery, mutilation or emotional torture.

(Gry Poulson)

Le 9 octobre 2012, dans la vallée de Swat, au Pakistan, une fillette de 14 ans répondant au nom de Malala Yousufzai a été touchée par une balle dans la tête. Elle avait osé remettre en cause le décret taliban selon lequel les filles ne doivent pas être éduquées.

Le 28 octobre 2012 à Galway, en République d’Irlande, Savita Halappanavar, une dentiste de 31 ans est morte de septicémie à la suite de complications survenues durant la grossesse. Les médecins ont refusé de procéder à un avortement qui aurait pu lui sauver la vie, et ce par crainte d’enfreindre les lois anti-avortement.

Le 16 décembre 2012, six hommes ont sauvagement battu et violé une stagiaire en physiothérapie de 23 ans dans un bus à Delhi, en Inde. Elle est morte de ses blessures 13 jours plus tard.

Le 25 janvier 2013, date du deuxième anniversaire de la Révolution égyptienne, des dizaines de militantes des droits des femmes ont été battues et agressées sexuellement ; au moins deux d’entre elles ont subi des blessures au rasoir sur leurs parties génitales.

Le 2 février 2013, Anene Booysens, 17 ans, a été étripée à la suite d’un viol collectif sur un chantier de construction à Bredasdorp, Afrique du Sud. Moins de deux semaines plus tard, l’icône olympique, Oscar Pistorius, a tué sa petite-amie, la mannequin Reeva Steenkamp, en ouvrant le feu sur elle. C’était le 14 février - date qui marque non seulement le jour de la Saint Valentin, mais aussi One Billion Rising, le mouvement international de lutte contre la violence à l’égard des femmes.

Ces atrocités incarnent la violence que les femmes et les jeunes filles subissent au quotidien ; une violence qui s’immisce dans les moindres aspects de la vie quotidienne et qui touche toutes les sociétés de notre planète.

Les statistiques sont saisissantes : La moitié de la population féminine mondiale a fait l’objet de viol, d’agression sexuelle, de meurtre, d’esclavage, de mutilation ou de torture psychologique.

L’élimination de la violence à l’égard des femmes implique la reconnaissance de sa nature systématique en tant que partie intégrante des sociétés et des institutions humaines. Lorsque des atteintes aux droits de la femme sont facilitées ou consacrées par le droit formel ou coutumier ou lorsque le système judiciaire manque systématiquement de protéger les femmes, il y a lieu de parler d’une violence systématique contre les femmes.

Lorsque les lois du travail sont délibérément ignorées dans des lieux de travail à forte concentration féminine, il ne s’agit plus seulement d’un fait systématique mais bien d’un élément intrinsèque au système économique.

Lorsque des bataillons armés ou des milices commettent des atrocités sexuelles dans le cadre de leurs tactiques de combat, la violence contre les femmes se convertit en stratégie.

Lorsque des agents de police refusent systématiquement d’enregistrer des plaintes liées à des violences domestiques, cela relève d’une politique.

Redresser la balance

La violence contre les femmes et les filles permet aux hommes de garder la mainmise sur les ressources et la prise de décisions à tous les niveaux.

Son éradication relève d’un défi éminemment politique, car elle sous-entend le redressement de la répartition inégale du pouvoir entre hommes et femmes, ainsi qu’une rectification des modalités qui font que de telles inégalités soient perpétuées à travers les institutions formelles et informelles à tous les échelons de la société.

Ce n’est pas une coïncidence si les femmes engagées dans la lutte contre de telles disparités de pouvoir se convertissent en cibles de la violence masculine. Le modèle économique mondial a une incidence directe sur la violence à l’égard des femmes et des jeunes filles.

Outre des effets de distorsion au niveau de pays individuels, les politiques néolibérales entraînent, de surcroît, une marchandisation des différences entre hommes et femmes, exacerbant par-là même une sous-évaluation du travail des femmes, qui s’est convertie en une nécessité pour alimenter la quête de main-d’œuvre à faible coût dictée par la concurrence mondiale.

Globalement, les femmes sont surreprésentées aux postes faiblement rémunérés, informels et peu sûrs. Les femmes travaillant dans les chaînes d’approvisionnement – tant dans l’habillement que dans l’alimentaire ou le secteur agricole – ont essuyé de plein front les tactiques antisyndicales.

L’érosion des droits et de la protection des travailleuses et travailleurs induite par le modèle économique globalisé a créé un environnement où l’État n’est plus en mesure ou même prêt à défendre le droit des femmes à une vie sans violence.

Des instruments pour arrêter cette violence

Il existe pourtant des instruments pour l’élimination de la violation à l’égard des femmes.

Parmi eux, il y a notamment la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), la Déclaration et le Programme d’action de Beijing, la Convention nº 111 de l’OIT et la nouvelle Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique.

Ce qui fait cruellement défaut c’est la volonté politique de s’attaquer au problème et de mettre en pratique ces instruments.

Pour le mouvement syndical, toute stratégie globale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes et des filles doit être étroitement liée à un programme de lutte contre la pauvreté qui inclue la création de moyens de subsistance pour les femmes, où le travail décent et l’accès à un plancher de protection sociale constitueront des conditions sine qua non.

Certes, la pauvreté n’est ni une cause directe ni une conséquence de la violence mais elle limite, somme toute, sérieusement les choix économiques des femmes et leurs alternatives au mariage. La pauvreté restreint, à terme, la capacité des femmes à faire face à des situations de violence.

Aujourd’hui, dans le contexte des crises mondiales en série, les droits des femmes font l’objet d’atteintes graves. Quand les gouvernements manquent de garantir une protection, les mouvements et organisations populaires portent la responsabilité collective de réclamer justice et droits au niveau national comme au niveau international. En effet, la coopération et la solidarité internationales sont essentielles afin de mobiliser la volonté politique nécessaire pour amorcer un changement.

Assez de beaux discours. Le moment est venu d’agir.