Face aux appels à réagir devant les conséquences d’un climat qui se dérègle, face aux inondations et aux sécheresses, aux vagues de chaleur, aux incendies gigantesques, la réactivité des dirigeants politiques ou économiques mondiaux semble toujours beaucoup trop lente pour mener les actions nécessaires pour enrayer l’aggravation de la situation.
« Si nous continuons à retarder les mesures essentielles qui s’imposent, je pense que nous nous dirigeons vers une situation catastrophique, comme le montre les derniers records de température », déclarait encore le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, lors d’une conférence de presse à New York, le jeudi 6 juillet dernier.
Que faire pour que la prise de conscience se transforme en actes ? Que faire quand lancer des appels, rédiger des rapports comme ceux du GIEC, ne produit aucun effet ? Que faire quand manifester est un droit de plus en plus bafoué, voire réprimer ? Peut-on sérieusement demander des comptes à ceux qui jouent un rôle dans la dégradation des conditions d’habitabilité de la planète ? Et cela a-t-il un impact réel ?
Ces derniers mois, de plus en plus d’États et d’entreprises multinationales se retrouvent mis en accusation, et parfois condamnés, par des institutions juridiques pour leur « inaction climatique » ou leurs défaillances envers la protection de l’environnement.
Chaque année, l’Institut de recherche Gratham sur le changement climatique et l’environnement de la London School of Economics recense les procédures judiciaires dans le monde qui portent sur ces questions. Sur la dernière période (mai 2022 - mai 2023), l’institut note que ces procédures se diversifient, touchant à la fois plus de pays, de juridictions (de régionales à transnationales) et d’acteurs ; tout en invoquant un plus large éventail d’arguments juridiques (demande de compensations pour les pertes et dommages ou de contribution financière à l’adaptation aux changements structurels, défaut de compromission aux engagements internationaux, désinformation, etc.).
Les actions en justice menées envers les entreprises privées représentent une tendance qui s’accentue. Jusqu’à récemment, les États étaient la principale cible des plaintes, déposées à une très large majorité par des ONG et des citoyens (90% des cas) - parfois aussi par des collectivités, comme lorsque les municipalités de Paris ou de New York se sont engagées dans une affaire judiciaire contre TotalEnergies. La Belgique et la France, après le précédent historique des Pays-Bas, ont ainsi été condamnées, en tant qu’État par la justice pour leurs manquements dans la réduction des risques liés aux bouleversements climatiques.
Il est heureux de constater que la société civile reste mobilisée et adopte continuellement des nouvelles formes d’action pour exprimer ses inquiétudes et réclamer une meilleure protection des individus.
À travers les quatre histoires issues de nos archives que nous vous proposons ici de lire ou relire, les personnes que nos journalistes ont rencontrées rappellent haut et fort qu’il n’est plus temps d’attendre, en jouant sur leurs mots, en usant du mirage de l’ « écoblanchiment » ou en tergiversant sur les montants à allouer pour des politiques justes et transformatrices de l’économie et des modes de vie.
Il est temps d’agir, car les solutions existent et les mobilisations peuvent payer.
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Face à l’inaction politique et les mesures « anti-climatiques », les scientifiques sortent de leurs laboratoires de recherche et se mobilisent
Par Clément Gibon
[...] Préoccupés par la rapidité du changement climatique et face à l’inaction politique, voire certaines politiques « anti-climatiques », nombreux sont les scientifiques issus de toute discipline, qui participent à leur tour à des actions de désobéissance civile.
Longtemps cantonnés à des tribunes dans les médias rassemblant des milliers de signatures sans que cela ne provoque une réponse politique à la hauteur des enjeux, les scientifiques estiment n’avoir d’autres choix que d’enfiler désormais leurs blouses blanches pour sortir de leurs laboratoires et manifester.[...]
Après les inondations catastrophiques, le Pakistan réclame des « réparations climatiques »
Par Farhad Mirza
L’été 2022 a été l’un des plus cruels qu’ait connu le Pakistan. À partir du mois de juin, le pays a été dévasté par des inondations d’une gravité sans précédent. Au mois de septembre, un tiers du Pakistan se trouvait sous les eaux et plus de 1.500 personnes étaient mortes, dont 500 enfants au moins, selon l’ONU. Selon les estimations, jusqu’à 30 millions de personnes seraient sans abri. [...]
Les crises à répétition ne font qu’ajouter au sentiment croissant d’injustice qui assaille cette nation d’Asie du Sud. Le Pakistan est l’un des pays les plus vulnérables aux effets du changement climatique, alors qu’il contribue pour moins de 1 % aux émissions mondiales de gaz à effet de serre.
Un mouvement croissant d’activistes climatiques et de travailleurs humanitaires au Pakistan réclame des réparations afin d’obliger les grands pollueurs du Nord à rendre des comptes. Ils espèrent ainsi remettre en cause le langage de la charité qui occulte l’enjeu fondamental, à savoir : la justice climatique. La notion de « réparations climatiques » sert à véhiculer un large éventail d’idées et de critiques qui visent à établir un lien entre la justice climatique et d’autres formes d’injustices, économiques et sociales. [...]
Pour une planète vivable, la résistance contre l’écoblanchiment s’intensifie
Par Steve Rushton
En dépit des preuves irréfutables des dégâts mortels causés aux personnes et à la planète par les grandes compagnies pétrolières, et malgré le fait que l’extraction de combustibles fossiles reste leur activité principale, les grandes compagnies pétrolières continuent de propager de faux discours sur leurs modèles commerciaux prétendument « respectueux du climat ».
Alors qu’ExxonMobil et BP prétendent « faire avancer les solutions climatiques » et « faire avancer la transition énergétique », Shell s’engage à des « émissions nettes nulles d’ici 2050 » tandis que Chevron prétend produire « une énergie de plus en plus propre ». Pourtant, ces discours ne correspondent pas à la réalité. C’est ce que l’on appelle de l’écoblanchiment (ou « greenwashing » en anglais). [...]
Contre la pollution et ses inégalités, des citoyens européens réclament un « droit à l’air pur » pour tous
Par Alexia Eychenne & Michalina Kowol
Jo Barnes a beau travailler sur la qualité de l’air depuis près de 20 ans, ce n’est qu’au milieu des années 2010 que cette professeure de l’université West of England au Royaume-Uni, a vu naître un débat public sur les inégalités sociales générées par la pollution. Autrement dit, l’air pur, ce bien universel par excellence, est-il si également distribué qu’il y paraît ? En 2003, une étude pionnière au Royaume-Uni laissait entendre que non.
Jo Barnes et ses collègues ont corroboré « un problème d’inégalité sociale, mais aussi d’injustice environnementale », résume-t-elle : les plus défavorisés sont souvent plus exposés à la pollution que les plus aisés et plus vulnérables face à ses effets, alors qu’ils en génèrent moins. Un phénomène complexe, lié à la planification des villes, aux politiques d’attribution de logements et de transports, que l’on retrouve dans nombre de pays européens.[...]