La campagne pour inciter les travailleurs du secteur public à faire de l’exercice va-t-elle ralentir la progression des maladies non transmissibles en Ouganda ?

La campagne pour inciter les travailleurs du secteur public à faire de l'exercice va-t-elle ralentir la progression des maladies non transmissibles en Ouganda ?

Staff at Uganda’s Ministry of Health take part in an aerobics class in April 2024. The exercise is part of an initiative by the Ministry to encourage workplace fitness programmes across the country’s public sector.

(Evelyn Lirri)
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Il est 17 heures, par un vendredi soir frisquet. Dans la cour du ministère de la Santé, à Kampala, la capitale de l’Ouganda, de la musique retentit sur un haut-parleur mobile et quelques employés se rassemblent pour participer à leur cours hebdomadaire d’aérobic.

L’exercice de haute intensité, dispensé par un entraîneur de fitness, dure généralement un peu plus d’une heure. Une durée suffisante pour que les employés atteignent l’objectif recommandé par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) de 75 minutes d’activité physique d’intensité soutenue ou de 150 minutes d’activité physique d’intensité modérée dont les adultes ont besoin chaque semaine pour rester en bonne santé.

Même s’il ne s’agit pas d’une activité obligatoire et que le nombre d’employés qui y prennent part fluctue d’une semaine à l’autre, la participation active de tous les employés est vivement encouragée, explique à Equal Times le Dr Gerald Mutungi, commissaire adjoint chargé de la prévention et du contrôle des maladies non transmissibles (MNT) au ministère de la Santé.

Le docteur Mutungi indique que l’objectif consiste à promouvoir une culture de l’activité physique régulière sur les lieux de travail, en vue d’améliorer la santé et le bien-être des travailleurs et, en fin de compte, contribuer à réduire les conséquences d’un mode de vie sédentaire.

« Les employés de bureau sont assis le plus clair de leur temps de travail. Sans exercice physique régulier, le risque de développer des maladies telles que l’obésité ou l’hypertension augmente », souligne Dr Mutungi.

C’est en 2018 que le gouvernement, par l’intermédiaire du ministère de la Santé, a lancé l’idée de la pratique d’une activité physique sur le lieu de travail. La même année, il lançait la première Journée nationale de l’activité physique, une campagne visant à attirer l’attention du public sur le fardeau croissant des MNT dans le pays.

L’initiative n’a pas pu décoller complètement en raison des perturbations causées par la pandémie de Covid-19, mais depuis deux ans, les employés du ministère de la Santé participent à des séances hebdomadaires d’exercices physiques.

Le gouvernement relance aujourd’hui l’initiative et l’étend à tous les travailleurs, en commençant par ceux du secteur public. Bien que les données sur le nombre réel de travailleurs du secteur public en Ouganda soient limitées, les estimations antérieures à la pandémie de Covid-19 évaluaient leur nombre à un peu moins de 60.000.

Dans une lettre publiée en mars à l’intention de tous les ministères, départements et agences, Lucy Nakyobe Mbonye, directrice de la fonction publique du pays et secrétaire du Cabinet, écrivait : « Par la présente, nous vous demandons de lancer une séance d’exercice physique hebdomadaire d’une durée de deux heures dans vos entités respectives aux fins de promouvoir la santé. Veuillez accorder à cette question l’attention qu’elle mérite, car elle contribuera à sauver la vie de votre personnel et à réduire la charge de la maladie. »

Bien que rapporté initialement comme un « ordre », il s’agissait en fait d’une « recommandation ». Les ministères ont également reçu pour instruction d’organiser ces séances d’exercice après la fermeture officielle des bureaux, à 17 heures, afin de ne pas perturber les horaires de travail quotidiens des employés et de ne pas engendrer un coût financier élevé.

« La plupart des activités physiques que nous préconisons, telles que le jogging ou la marche, n’entraînent aucun surcoût pour l’employeur. Le seul coût que l’employeur peut avoir à supporter est l’achat d’eau pour le personnel ou le recrutement d’un entraîneur et d’un système de musique pour l’aérobic », déclare le Dr Mutungi.

Les MNT : un facteur de risque majeur

Il est établi que l’inactivité physique est un facteur de risque majeur pour les personnes qui développent des MNT telles que le cancer, les maladies respiratoires chroniques, les affections cardiovasculaires, le diabète et les pathologies mentales.

Une enquête de 2014 sur les facteurs de risque des MNT en Ouganda (une enquête démographique et sanitaire plus récente datant de 2022 n’a pas encore été publiée dans son intégralité) révèle que 5 % des Ougandais sont physiquement inactifs, 20 % sont en surcharge pondérale ou obèses et 24,3 % des adultes ougandais affichent une pression artérielle élevée qui nécessite un traitement.

Traditionnellement, la plupart des Ougandais vivaient de l’agriculture, leur principale source de revenus, mais au cours des dernières décennies, un nombre croissant de personnes se sont installées dans les centres urbains, où le changement de mode de vie et les habitudes alimentaires composées d’aliments riches en sel, en sucre et en graisse contribuent à la sédentarité et à l’obésité.

« Les personnes vivant dans des zones urbaines sont davantage susceptibles d’être obèses que celles vivant dans des zones rurales. L’inactivité physique concerne principalement les travailleurs urbains, car, dans les zones rurales, l’activité physique dépasse les recommandations. C’est pourquoi nous avons décidé d’organiser des exercices de mise en forme pour les travailleurs, en particulier ceux des zones urbaines où l’inactivité physique est un problème majeur », explique le docteur Mutungi.

Selon l’enquête sur la population active nationale de 2021, les habitants des zones rurales pratiquent davantage l’agriculture de subsistance (48 %) que leurs homologues des zones urbaines qui occupent davantage des emplois formels (64 %).

La menace des MNT pour la santé ne concerne toutefois pas uniquement l’Ouganda. Selon l’OMS, les maladies associées à l’inactivité physique sont responsables de 41 millions de décès par an dans le monde.

Dans son Rapport sur la situation de l’activité physique en 2022, l’OMS estime que 500 millions de personnes souffriront de maladies cardiaques, d’obésité, de diabète ou d’autres MNT en raison de leur sédentarité entre 2020 et 2030, ce qui entraînera des coûts de traitement pouvant atteindre 27 milliards de dollars par an si les gouvernements ne prennent pas d’urgence des mesures pour encourager l’activité physique au sein de leur population.

Être physiquement actif permet de réduire l’absentéisme des employés pour cause de mauvaise santé et donc de réduire les dépenses liées aux coûts de traitement. En Ouganda, le coût économique de la prise en charge et du traitement des MNT telles que le diabète de type 2 dans les établissements de santé privés et publics, notamment, a été documenté dans cette étude réalisée en 2023 par le groupe de réflexion en matière de politiques, l’Economic Policy Research Centre. En 2022, par exemple, jusqu’à 2.200 milliards de shillings ougandais (environ 500 millions de dollars US ou 461 millions d’euros) ont été dépensés pour les médicaments, le traitement et la gestion des complications résultant du diabète de type 2, sachant que ce sont les ménages qui supportent la plus grande partie du fardeau financier.

« Les MNT pèsent lourdement sur notre système de santé. La lutte contre ces maladies doit donc être le fruit d’un effort collectif et individuel. Si vous souffrez du diabète, vous ne pouvez pas être productif. Si vous souffrez d’hypertension, vous ne pouvez pas être productif », souligne Dr Mutungi.

L’avis des travailleurs

Jackie Namubiru, âgée de 34 ans, apprécie les activités physiques hebdomadaires organisées par le ministère de la Santé, où elle travaille dans le département des finances du Programme national étendu d’immunisation de l’Ouganda.

Comme elle l’explique, auparavant, ses horaires de travail ne lui laissaient pas suffisamment de temps pour pratiquer une activité physique en dehors de son travail. Désormais, elle est ravie de pouvoir pratiquer l’exercice physique dont elle a tant besoin dans le confort de son lieu de travail.

Elle ajoute en outre que cela n’interfère pas avec son emploi du temps, car les séances ont lieu une fois par semaine après les heures de travail officielles.

« Dans le cadre de notre travail, en particulier dans la finance, nous devons rester assis pendant de longues heures, ce qui entraîne de la fatigue et des tensions dans tout le corps. Les exercices hebdomadaires m’ont aidée à me détendre et à me sentir bien et légère. Je peux maintenant monter et descendre les escaliers sans m’essouffler », déclare Mme Namubiru.

Hormis la condition physique, elle ajoute : « L’activité physique a amélioré ma productivité, car je n’ai plus de sensation d’épuisement. Je peux désormais travailler plus longtemps sans me sentir fatigué. »

Faire en sorte que les travailleurs soient plus actifs physiquement est une initiative louable, déclare à Equal Times Musa Okello, président général de l’Organisation nationale des syndicats (NOTU). Néanmoins, M. Okello soutient que pour qu’une telle initiative soit couronnée de succès et ait un impact beaucoup plus important sur la santé des travailleurs et de la population en général, le gouvernement doit investir dans des infrastructures qui favorisent les activités physiques, telles que des allées piétonnes et des pistes cyclables.

« Les employeurs doivent également aménager les espaces de travail de manière à permettre aux employés de rester actifs. De nombreux lieux de travail ne disposent pas de l’espace nécessaire pour faire de l’exercice physique », constate M. Okello.

Le gouvernement déclare qu’il ne se contente pas de promouvoir un mode de vie actif dans ses efforts pour lutter contre les MNT. Des politiques favorisant une alimentation plus saine et une réduction de la consommation de sel, de tabac et d’alcool sont également des priorités essentielles, de même qu’une sensibilisation générale aux facteurs de risque des MNT.

Par exemple, une loi adoptée par le parlement en 2015, qui interdit de fumer sur les lieux de travail et dans d’autres lieux publics, a joué un rôle crucial dans la protection des personnes contre les dangers du tabagisme passif et dans l’amélioration de l’état de santé général des citoyens, selon le gouvernement.

Par ailleurs, le gouvernement espère que le projet de loi de 2023 sur le contrôle des boissons alcoolisées contribuera à réglementer la production, l’importation, la vente, la consommation et la publicité des boissons alcoolisées, tout en interdisant la vente de ces dernières aux personnes âgées de moins de 18 ans.

« Avec l’entrée en vigueur de ces lois, nous nous attendons à ce que moins de personnes aient accès à l’alcool ou aux produits à base de tabac. Ces interventions nous aideront à réduire de manière significative le fardeau des MNT dans le pays », explique Dr Mutungi.

Dans l’immédiat, le ministère de la Santé élabore des directives nationales en matière d’activité physique, qui présenteront les différents types d’activités physiques que les individus peuvent pratiquer en fonction de facteurs tels que l’âge ou l’état de santé.

« Une fois que nous aurons diffusé ces directives [à une date ultérieure, qui n’a pas encore été décidée], nous serons en mesure d’effectuer un suivi afin de déterminer quelles entités ont mis en place des actions liées à l’activité physique », ajoute-t-il.