C’est dans la liesse que s’est célébré en ce mois d’août le 50e anniversaire du hip-hop, incontestablement l’une des expressions artistiques les plus remarquables du siècle écoulé. Cinq décennies déjà depuis cette soirée mythique dans le Bronx où, armé de deux platines et d’un micro, un jeune Américain d’origine jamaïcaine, DJ Kool Herc, a fait éclore une culture vibrante, complexe et multiforme de deejaying, de breakdancing, de graffiti et de rap, dont l’écho retentit encore aujourd’hui, un demi-siècle plus tard, sous des formes multiples et diverses aux quatre coins de la planète.
Cependant, un aspect qui semble être passé inaperçu au milieu de toutes ces festivités, c’est la survie proprement miraculeuse pendant un demi-siècle du hip-hop et de ses multiples avatars, a fortiori si l’on considère les innombrables barrières auxquelles ils ont été confrontés, sans parler des tentatives flagrantes d’entraver leur essor et leur épanouissement.
Il ne faut pas oublier que la soirée au cours de laquelle DJ Kool Herc a présenté pour la première fois en public ses nouvelles créations musicales s’est déroulée dans un quartier du New York des années 1970 gangréné par la pauvreté, la violence, la drogue, les gangs et les brutalités policières, où les habitants, majoritairement noirs et latinos, subissaient de plein fouet les conséquences de la désindustrialisation, du chômage massif, de la fin toute récente de la ségrégation raciale, de l’effondrement des services publics, des logements insalubres résultant de politiques de logement racistes et de l’escalade de la guerre contre la drogue.
Dans ce contexte, il n’est pas difficile de considérer l’ascension du hip-hop comme une manifestation puissante de la résistance collective.
En effet, depuis le virage commercial hautement discutable (et apparemment bien implanté) du rap, qui est passé d’une réflexion sociopolitique acerbe et d’un optimisme aux accents de jazz à des litanies sombres et incessantes sur le sexe, la drogue et la violence, jusqu’aux rappeurs qui, partout, des États-Unis au Royaume-Uni et à la Chine, sont la cible du zèle excessif des services de police, du renseignement et de la censure, le chemin qui a mené au cinquantenaire du hip-hop a été celui d’une résistance acharnée.
Et peut-être est-ce justement cette résilience – associée à l’aptitude alchimique du hip-hop à absorber des langues, des sons et des influences les plus divers, renforcée par des éléments particuliers de la culture (graffiti, breakdance et cypher) qui exigent à la fois la réappropriation de l’espace public et la participation du public – qui a vu le hip-hop devenir l’incarnation en son et en image de la rébellion à l’échelle planétaire. Tous ces éléments fournissent, de fait, un excellent point de départ pour explorer l’idée de la culture en tant qu’acte de résistance, thème de cette dernière sélection d’articles, issus de nos archives, que nous vous proposons pour la période estivale.
Qu’il s’agisse des humoristes palestiniens de stand-up, seul-en-scène, qui voient leur travail comme un « acte de défiance » face à une occupation de plus en plus répressive ; des agriculteurs africains qui cultivent et vendent des produits agroécologiques rares dans le but de mettre fin à un système alimentaire mondial non durable et inéquitable ; ou des musiciens tunisiens qui luttent contre des années d’exclusion et de sous-développement pour pratiquer une forme séculaire de musique spirituelle qui célèbre ses origines ouest-africaines,ces récits nous montrent les nombreuses facettes de la pratique culturelle en tant qu’acte de résistance.
Comme l’ont montré des siècles de conquête, une fois la terre conquise et le peuple déraciné, une fois que de nouveaux dirigeants, de nouvelles lois et de nouvelles langues ont été imposés, et que les noms des personnes et des lieux ont été changés, il ne reste plus que la mémoire et la volonté collective de la maintenir en vie. Deux des reportages les plus percutants de cette série – l’un sur les « dissidences sexuelles » autochtones en Bolivie qui revendiquent leur identité en s’affranchissant des griffes du « capitalisme rose », et l’autre sur la campagne en faveur de la justice pour les plus de 600 enfants yéniches qui ont été victimes d’un génocide culturel innommable et peu connu en Suisse entre 1926 et 1972 – rappellent avec pertinence ce que signifie « lutter contre le pouvoir », comme le dit si bien Chuck D, leader du mythique groupe de hip-hop Public Enemy : la culture est une forme de résistance et son potentiel – affirmer, permettre aux gens de dépasser leur oppression, forger une communauté et, à terme, libérer – est sans limites.
À Ramallah, l’émergence du stand-up palestinien entre divertissement et exutoire face à l’occupation israélienne
Par Stefano Lorusso
[...] « Je me suis rendu compte que si vous avez la capacité de rire de vous-même et des difficultés que vous rencontrez, personne ne peut plus vous faire de mal. Vous ôtez la gravité des sujets qui vous pèsent et les rendez insignifiants. En fin de compte, la comédie devient un jeu psychologique, qui fournit un bouclier protecteur », explique Khaled Tayeh.
Pulse aquí para ver el artículo completo
Le mouvement Slow Food soutient « l’acte politique fort » de l’agroécologie en Afrique
Par Amy Fallon
[...] Compte tenu de la gravité de la sécheresse dans la Corne de l’Afrique, de l’inflation des prix de l’alimentation au niveau mondial, de la crise céréalière causée par la guerre en Ukraine, des conséquences multidimensionnelles du changement climatique, sans parler des effets persistants de la pandémie de coronavirus, 20 % de la population d’Afrique subsaharienne (environ 282 millions de personnes) serait soumise à l’insécurité alimentaire et à la malnutrition, selon l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires, soit plus du double que dans les autres régions.
L’ultime élan du stambeli en Tunisie
Par Ricard González
[...] Huda Mzioudet, spécialiste de la communauté noire en Tunisie, tient toutefois à nuancer ce propos. « Je pense que le stambeli perd peu à peu de son aura en tant que source de fierté pour les Tunisiens noirs, car il n’est pas la seule forme d’expression artistique à laquelle ceux-ci s’identifient… Le fait qu’il ait été “détourné” par les Tunisiens “blancs”, et qu’ils se le soient approprié, suscite chez eux un sentiment d’aliénation », remarque Huda Mzioudet. « [Néanmoins], le stambeli demeure une source de fierté pour les Noirs de Tunis, adeptes du soufisme », ajoute-t-elle.
En Bolivie, le « Movimiento Maricas » mène une lutte transversale et décoloniale pour l’émancipation des dissidences sexuelles
Par Marco Marchese
[...] « S’appeler “maricas’’ n’a pas été simple au début, car c’est un mot qui violente nos corps depuis toujours, mais grâce à la formation féministe de “Mujeres Creando” et à la lecture d’intellectuels maricas latino-américains, nous avons appris la stratégie de réappropriation de l’insulte pour en changer le sens ».
La tentative de « génocide culturel » des Yéniches en Suisse, un crime qui reste impuni
Par Benoît Collet
[...] « Les viols de filles et de garçons, la malnutrition, la stigmatisation, l’interdiction de parler leur langue maternelle ont été les pires formes de répression. Outre les victimes directes, les enfants et les petits-enfants sont souvent touchés de diverses manières par les conséquences des enlèvements de leurs parents », estime Will Wottreng qui lutte pour mettre au jour ces crimes.