Le TPP foule aux pieds la démocratie

 

Le 22 août, le gouvernement du Brunei donnera le coup d’envoi du 19e cycle des négociations dans le cadre de l’Accord de partenariat transpacifique (TPP), ambitieux traité de libre-échange et d’investissement qui englobe 12 pays d’Asie-Pacifique et s’étend à l’Amérique du Nord, à l’Australie, à la Malaisie et au Vietnam. Le dernier pays à accéder aux négociations est le Japon.

 

Malgré l’intention des douze gouvernements de boucler l’accord d’ici au prochain Sommet des dirigeants de l’APEC, en octobre prochain en Indonésie, la probabilité d’une telle issue est faible.

S’agissant de l’accession du Japon, les États-Unis ont annoncé lundi qu’ils mettraient tout en œuvre pour soumettre une offre de réduction des droits de douane en faveur du Japon, laquelle pourrait devenir effective dès septembre.

Le Japon n’est d’ailleurs pas épargné par la pression : Le gouvernement a préparé une armée de 100 négociateurs pour tenter de rattraper les négociations qui ont déjà eu lieu entre les autres gouvernements.

Mais quelque soit l’importance des droits de douane pour le commerce, les négociations sont avant tout centrées sur des objectifs non commerciaux tels que la « cohérence réglementaire » et la « neutralité compétitive ».

L’accord prévoit non seulement l’ouverture des marchés des biens et des services entre les douze partenaires mais envisage également l’instauration de « principes directeurs » transversaux qui détermineront comment la réglementation est instaurée et quelles sont les règles superflues.

À titre d’exemple, si un gouvernement veut imposer des règles plus strictes concernant les résidus de pesticides dans les fruits, il devra prouver que le résultat recherché ne peut être obtenu à l’aide de moyens non-réglementaires.

Le gouvernement sera alors encouragé à entreprendre une « évaluation de l’impact de la réglementation » (EIR), afin de mesurer le coût et les bienfaits découlant de la réglementation.

L’EIR est un mécanisme hérité de l’agenda de déréglementation de l’ère Reagan et destiné à être utilisé à l’échelle nationale.

L’un des problèmes est que contrairement aux coûts d’une entreprise, qui peuvent aisément être évalués en termes monétaires, il n’en va pas de même des bienfaits sociaux comme la santé publique et la protection environnementale.

S’agissant de ces enjeux, les gouvernements devraient être libres de prendre des décisions basées sur des critères politiques, culturels et sociaux et pas seulement sur des critères économiques.

 

Une justice obscure

Le TPP prévoit, en outre, l’établissement de tribunaux ad hoc auprès desquels les investisseurs privés pourront déposer des plaintes contre des gouvernements souverains qui mettent en œuvre des politiques qui ont une incidence directe ou indirecte sur leurs investissements ou leurs bénéfices projetés.

Il sera possible d’interjeter appel contre des mesures comme l’augmentation des salaires, la protection de la santé publique basée sur une législation anti-tabagisme, la mise en œuvre de politiques d’énergie propre, voire l’application des lois nationales.

Les tribunaux seront dirigés par une clique obscure de firmes juridiques qui assumeront tantôt le rôle de juges, tantôt celui de jury.

L’histoire montre qu’une simple menace de recours à un tel tribunal peut suffire à une entreprise pour « refroidir » la volonté d’un gouvernement de désigner ou de promulguer de nouvelles lois ou de nouvelles politiques.

Nonobstant le pouvoir considérable que les investisseurs étrangers acquerront grâce au TPP, celui-ci est dépourvu de tout mécanisme garantissant la mise en pratique des responsabilités des investisseurs.

Le TPP pourrait apporter un changement positif en extirpant les conduites abusives de certaines entreprises comme l’exploitation des travailleurs, les conditions de travail précaires, le recours aux pratiques commerciales déloyales à l’encontre de petits producteurs et la corruption des fonctionnaires de l’État - les négociateurs ont, toutefois, exclu ce point de l’agenda.

Les gouvernements parties au TPP manquent de prendre les bonnes décisions même lorsqu’il s’agit des marchés financiers.

Au lendemain de la crise financière, les gouvernements ont promulgué des législations qui visaient à une re-réglementation d’une partie des fonctions des marchés à capitaux – comme dans le cas de la loi Dodd-Frank aux États-Unis.

Le TPP, au même titre que d’autres traités commerciaux régionaux comme le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement procurent des moyens détournés aux grands capitaux pour passer outre aux nouvelles réglementations et en revenir à la spéculation financière hautement toxique et débridée qui a plongé le monde dans la récession.

L’accord inclut un chapitre spécifiquement consacré aux services financiers où la priorité est accordée à une déréglementation accrue des marchés des capitaux.

Celui-ci devrait limiter le pouvoir des gouvernements de recourir aux règles et aux dispositions pour promouvoir des investissements productifs et protéger contre la spéculation.

Les gouvernements sont poussés à renoncer à leurs compétences pour ce qui a trait aux contrôles des capitaux pour la protection de leur balance des paiements en cas de déséquilibres extrêmes, en contradiction avec les conclusions du FMI qui attestent de l’utilité – et de la nécessité – de tels mécanismes.

 

Brevets sur les médicaments

Un autre sujet qui suscite préoccupation est le fait que les négociateurs au Brunei se préparent à discuter de l’extension des brevets sur les médicaments.

Certains gouvernements prétendent, sans toutefois fournir de preuves convaincantes à l’appui de leurs assertions, que l’octroi de protections supplémentaires aux brevets médicaux encouragerait l’innovation.

En réalité cela se traduirait par un surcoût pour les patients et un alourdissement des budgets médicaux.

Les incitations à l’innovation sont déjà conséquentes et l’extension des brevets pourrait avoir un effet inverse en décourageant l’investissement dans la recherche et le développement et en détournant les fonds affectés à la recherche vers les juristes au lieu des chercheurs.

Il ne fait pas de doute que les gouvernements mettent énormément en jeu dans le cadre de ces négociations. Un accord qui manque de tenir compte de ces problématiques et de bien d’autres encore est susceptible d’avoir des conséquences néfastes qu’il sera difficile voire impossible de corriger.

Pour en faire un accord inclusif, il incombe aux parties prenantes d’établir des normes applicables concernant le travail, l’environnement et la conduite des entreprises, afin que les gains dérivés des échanges commerciaux puissent être équitablement répartis, au lieu d’accorder des droits excessifs aux grandes sociétés.

Les travailleurs représentés par leurs syndicats ont pris part à de nombreux cycles de négociations pour tenter de promouvoir ces objectifs.

Les gouvernements doivent rappeler à l’ordre leurs négociateurs avant qu’il ne soit trop tard.

Les travailleuses et travailleurs d’Asie et des Amériques ont exprimé leurs préoccupations dans cette nouvelle vidéo réalisée par la confédération syndicale étasunienne AFL-CIO : www.aflcio.org/fair-tpp.

 

 

Les travailleuses et travailleurs d’Asie et des Amériques ont exprimé leurs préoccupations dans cette nouvelle vidéo réalisée par la confédération syndicale étasunienne AFL-CIO :www.aflcio.org/fair-tpp.