Les renseignements américains «se soucient peu des lois sur les données de l’UE»

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Une enquête de l’Union européenne sur la surveillance électronique massive a révélé qu’il n’y avait désormais pratiquement plus de limite au décryptage des données par des agences de renseignement au service des États-Unis et de leurs alliés.

« Il sera probablement plus facile de déterminer ce qu’ils [les gouvernements] ignorent à notre sujet », a affirmé l’eurodéputée Sophie in ’t Veld, des Pays-Bas, après avoir pris connaissance des rapports des journalistes d’investigation Jacques Follorou du journal Le Monde et Jacob Appelbaum, qui est aussi chercheur en sécurité informatique.

Appelbaum, qui porte la nationalité américaine et réside à Berlin, a déclaré lors d’une réunion de la Civil Liberties, Justice and Home Affairs Committee (LIBE) à Bruxelles, jeudi : « La National Security Agency [ou NSA en abrégé] n’est pas tenue aux lois européennes et se soucie peu de ce que vos lois stipulent. »

Il s’agissait de la première d’une dizaine de réunions prévues par la LIBE, qui a initié son enquête en juillet après que des informations divulguées par l’ex-agent de la NSA Edward Snowden to The Guardian newspaper ont révélé des informations détaillées au sujet d’un programme de surveillance sans précédent du gouvernement des États-Unis.

Un système secret dénommé Prism permet, par exemple, à la NSA d’accéder aux données personnelles de citoyens non-américains stockées par des sociétés de haute technologie comme Google, Facebook et Apple.

Le journaliste et spécialiste en investigation informatique Duncan Campbell a indiqué à la Commission qu’il n’y avait pas un système de surveillance unique, tel qu’on aurait pu le croire auparavant, mais bien « cinq systèmes qui se chevauchent et qui sont capables de collecter [des données] simultanément » via l’interception d’échanges de communication par câble ou par satellite et la transgression des réseaux informatiques.

« Et en épilogue de ce récit relatant les mille et une façons d’accéder à nos données personnelles, aux données de nos entreprises et aux données de nos gouvernements se trouve PRISM », a déclaré Campbell.

La session de la Commission s’est déroulée sur fond de nouvelles révélations parues dans The Guardian puis dans The New York Times et ProPublica qui montrent que les agences de renseignement ont collaboré avec le sociétés d’informatique à la création de vulnérabilités dans les logiciels de sécurité qui prétendent protéger la vie privée des utilisateurs.

Prenant la parole via vidéoconférence, Alan Rusbridger, rédacteur en chef du journal The Guardian, a indiqué que les États s’associaient désormais aux sociétés pour placer quiconque se sert de technologies de l’informatique sous l’une ou l’autre forme de surveillance.

D’après lui, ceci ne pourrait être autorisé sans le consentement des gens, et un tel consentement ne pourrait être donné en l’absence d’information.

« Des hauts responsables du gouvernement britannique m’ont dit « vous avez eu votre débat, maintenant arrêtez », a indiqué Rusbridger. « J’estime que ce n’est pas à l’État de dire aux journalistes quand ils doivent arrêter. »

Quand Appelbaum s’est mis à éplucher les différentes couches de technologies de cryptage installées sur son téléphone mobile, Claude Moraes, rapporteur de la commission et vice-président du Parti travailliste au Parlement européen s’est tourné vers ses collègues et a dit : « J’en veux un ».

Les documents divulgués montrent que les institutions de l’UE à Bruxelles n’ont pas été épargnées par la surveillance de la NSA.

L’atmosphère est chargée d’une profonde méfiance et lors de cette session archicomble qui était également diffusée en streaming, des députés ont marqué leur approbation d’un signe de la tête ou en tapotant sur leurs tables quand Appelbaum a déclaré qu’il était choqué par les propos du président américain Barack Obama lorsque ce dernier s’est justifié de la surveillance opérée par les États-Unis en invoquant le fait qu’elle ciblait uniquement des étrangers.

Des hauts-responsables des États-Unis et de l’Union européenne seront invités à intervenir lors de sessions ultérieures et d’après un membre exécutif de la commission, il est prévu que Snowden soit invité à prendre la parole via téléconférence depuis la Russie où il a obtenu l’asile.

Les révélations de cet été ont radicalement bouleversé le cours des débats préexistants sur la protection des données en Europe.

En juin, Viviane Reding, commissaire européenne à la justice a déclaré que Prism devait servir de « signal d’alarme » pour les pays européens qui se trouvaient déjà engagés dans le processus de réforme de la directive européenne de 1995 relative à la protection des données personnelles à l’ère Internet, y compris l’harmonisation des législations à travers les différentes juridictions.

Dans une communication présentée à la LIBE la semaine dernière, les groupes de la société civile European Digital Rights et Fundamental Rights European Experts Group ont réitéré leurs appels à l’UE en faveur de la révocation des autorisations délivrées dans le cadre de la Sphère de sécurité (Safe Harbor), qui permettent le transfert de données personnelles de citoyens européens vers des sociétés basées aux États-Unis, quand bien même les lois étasuniennes relatives à la protection des données sont largement considérées inférieures à celles de l’UE.

La LIBE doit soumettre ses recommandations au Parlement européen d’ici la fin de l’année.