« Sembrando luchas »: Celles qui sèment la lutte contre les violences

« Sembrando luchas »: Celles qui sèment la lutte contre les violences
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Au cœur d’une nation riche en contrastes, les femmes du Mexique incarnent la lutte qui soulève un pays déchiré par une guerre silencieuse. Ce territoire est marqué par des chiffres vertigineux : 11 féminicides par jour, plus de 100.000 personnes disparues, dont 24.600 femmes depuis 2006, selon les chiffres officiels.

L’impunité, l’injustice, les violences bouleversent la vie de beaucoup de Mexicaines, qui évoluent dans un contexte hostile, qui leur a appris à vivre dans la résilience. Ce sont donc les femmes, les mères, les épouses, les sœurs, les filles, les amies, les voisines qui, nombreuses et unies par une même cause, luttent pour leurs droits et une vie digne et exempte de violence. À chaque événement, on les retrouve dans les rues, entonnant les chants féministes, bravant les gaz lacrymogènes, portant la croix rose des féminicides sur l’épaule, revêtues du portrait de ceux et celles que l’on recherche encore.

2024 sera une année charnière pour le Mexique: pour la première fois dans le pays, deux femmes s’affronteront lors de l’élection présidentielle, Claudia Sheinbaum et Xochitl Galvez, ce qui n’en est pas moins le reflet d’une conquête sans précédent des femmes sur les scènes publique et politique.

Ce projet photographique, intitulé Sembrando luchas de la photographe Mahé Elipe, dont nous proposons un extrait, trouve son origine dans le désir de rendre compte de l’engagement des femmes mexicaines dans les luttes pour la justice, en mettant l’accent sur ces combattantes qui ont un impact et deviennent une source d’inspiration pour toutes les autres. « La force des femmes mexicaines est indéniable. Pour la comprendre, il suffit de plonger dans leur essence, nourrie par l’amour, l’empathie et le désir de justice ».

 

On 1 November 2020, as part of the Día de Muertos, or the Day of the Dead – a special day on which Mexicans celebrate their dead – and in spite of the pandemic, feminist collectives and mothers of femicide victims held the Fifth March of the Catrinas, a protest in memory of all the girls and women who have lost their lives to femicide.

Photo: Mahé Elipe

La journée avait commencé à l’Hémicycle Benito Juárez, dans le centre de Mexico, où le micro a été ouvert au public pour celles et ceux qui voulaient partager un message. La marche s’est terminée à l’Antimonumenta, un monument construit en 2019 spécialement en mémoire des féminicides dans le pays. Les actions autour de la revendication du patrimoine urbain et monumentale sont devenues récurrentes au Mexique.

 

María del Carmen Volante, mother of Guadalupe Pamela Gallardo Volante, who went missing in Mexico City in 2017. On Sunday 24 April 2022, together with hundreds of women, she demonstrated in the capital against the recent femicides and disappearances in the state of Nuevo León and the country as a whole.

Photo: Mahé Elipe

Selon les autorités, ce sont en moyenne près de 10 femmes qui sont assassinées chaque jour (3.427 en 2021). En avril 2022, l’assassinat d’une étudiante en droit de 18 ans, Debanhi Escobar, ouvrent à nouveau les blessures des milliers de mères qui cherchent ou pleurent leur enfant. Les familles sont souvent confrontées à de graves insuffisances de la part de la justice dans le cadre des enquêtes pour féminicides et disparitions inquiétantes.

 

In 2021, a large metal fence was erected around the National Palace, the seat of power in Mexico, to protect it from female demonstrators on 8 March. Seen by feminists as an act of provocation, they responded by using it to display the names of all the women who had been victims of violence that year. An ‘anti-monument’ (antimonumenta) used as an improvised canvas to make their movement visible.

Photo: Mahé Elipe

En mars 2021, le président Andrés Manuel López Obrador était la cible de vives critiques pour avoir apporté son soutenu à un politicien, candidat au gouvernorat de Mexico, alors accusé de viols par plusieurs femmes.

 

On International Women’s Day in Mexico City in March 2021, the first disturbances broke out in the Zócalo, the main square in front of the National Palace. Attempts by demonstrators to tear down the barriers led to violent clashes with the police, who fired tear gas.

Photo: Mahé Elipe

Dans les manifestations, les féministes mexicaines n’hésitent pas à se défendre notamment via l’intégration du « Bloque negro » ( militantes féministes radicales séparatistes) pour faire face à la police. Ce jour-là, le Secrétariat de la sécurité citoyenne (SSC) de la capitale mexicaine a recensé au moins 81 femmes blessées sur les 20.000 manifestants présentes.

 

On the plaza of the Monument to the Revolution in Mexico City, homage was paid to Ingrid Escamilla on 9 February 2021. The 25-year-old had been stabbed and mutilated by her former partner a year earlier.

Photo: Mahé Elipe

Le féminicide d’Ingrid Escamilla, en 2020, avait suscité beaucoup d’émoi, notamment après la publication par la presse de détails et de photos portant atteinte à l’intégrité de la victime et perçus comme une « double peine » et une « apologie de la violence machiste ».

De nombreuses actions féministes ont permis de réformer le code pénal : une loi générale pour l’accès des femmes à une vie sans violence, avec des peines de 4 à 10 ans pour les fonctionnaires qui divulguent ou diffusent des images ou des éléments de dossiers d’enquête pour meurtre. L’assassin d’Ingrid a été condamné à 70 ans de prison, la peine maximale. Un jugement confirmé en appel en octobre 2023.

 

Demonstrators at a rally to mark International Safe Abortion Day, 28 September 2023. In this very religious country, until recently, women risked being sent to prison for having an abortion.

Photo: Mahé Elipe

Le 7 septembre 2023, la Cour suprême du Mexique a dépénalisé l’avortement au niveau national. Une décision qui intervient deux ans après que la Cour ait à l’unanimité déclaré « inconstitutionnelle » la législation d’un état fédéré prévoyant de criminaliser l’avortement au premier trimestre inconstitutionnelle, ouvrant la voie au droit à l’avortement sur tout le territoire.

 

This article has been translated from French.