Inde : Les repas scolaires mortels contenaient un pesticide toxique

 

La police a confirmé que les 23 écoliers indiens morts peu après avoir pris leur repas à la cantine ont ingéré des doses "extrêmement toxiques" de pesticide agricole.

Le programme phare de distribution de repas scolaires gratuits du gouvernement indien est passé au crible suite à la mort tragique d’enfants dans une école primaire de l’État du Bihar, dans le nord de l’Inde, le 16 juillet 2013.

L’incident est survenu dans le district de Saran, où peu après avoir consommé un repas scolaire à base de riz, de lentilles et de soja, les enfants ont été pris d’un malaise violent et ont commencé à vomir du sang.

Quatre enfants sont morts alors qu’ils étaient en route pour l’hôpital et 19 autres sont morts à leur arrivée. À l’heure qu’il est, vingt-quatre autres enfants ainsi qu’un cuisinier sont sous traitement.

Les soupçons se portent sur l’huile utilisée dans la préparation du repas scolaire, qui aurait été stockée dans un bidon qui aurait auparavant contenu des pesticides.

Les laboratoires ont détecté la présence de monocrotophos dans les échantillons d’huile et de nourriture. Le monocrotophos est un composé organophosphoré utilisé par les agriculteurs en tant qu’insecticide.

Dans une interview avec Bloomberg, la belle-sœur du cuisinier a révélé que la directrice de l’école avait été prévenue que l’huile avait une odeur désagréable et une couleur inhabituelle et qu’elle ne devrait pas être servie aux enfants.

La directrice a, cependant, refusé de jeter la nourriture. Désormais en fuite avec sa famille, la police a émis un avis de recherche contre elle pour suspicion de négligence criminelle.

 

Le plus grand du monde

Le programme de repas scolaires gratuits est le plus grand programme en son genre à niveau mondial. Il vise à augmenter le taux d’inscription, de fréquentation et de présence scolaire en améliorant les niveaux de nutrition chez les enfants.

Chaque jour, un repas scolaire est servi gratuitement à quelque 110 millions d’enfants répartis sur environ 1,2 millions d’établissements scolaires à travers le pays.

Rien qu’au Bihar, au cours de l’année 2012-13 (jusqu’à mars), 70773 établissements et près de 12 millions d’écoliers bénéficiaient de ce programme.

Bien que sa longue histoire peut être retracée jusqu’aux années 1920, ses origines en tant que programme national remontent à août 1995 quand fut lancé le Programme national de soutien nutritionnel à l’instruction primaire (National Programme of Nutritional Support to Primary Education, NP-NSPE).

En 2001, la Cour suprême indienne a pris la décision historique de servir des repas de midi chauds à tous les écoliers de primaire dans l’enseignement public.

Il s’agissait toutefois d’une entreprise titanesque, qui n’a pas été épargnée par la controverse. Outre les accusations de corruption et de mauvaise gestion, les morts survenues la semaine dernière sont loin d’être le premier incident à être survenu au plan de la santé et la sécurité dans le cadre de ce programme.

Le lendemain-même de la mort tragique des 23 enfants, 15 enfants ont perdu connaissance dans un autre district du Bihar après avoir ingéré un repas de midi dans lequel un lézard mort a été retrouvé.

Ce mercredi, 34 autres élèves d’une école appartenant à un ashram tribal dans le Maharastra sont tombés malades après avoir pris leur repas du midi.

D’autre part, 100 écolières ont dû être hospitalisées dans l’État du Tamil Nadu quand elles ont été prises de nausées et d’étourdissements après avoir pris leur repas de midi à l’école jeudi.

Le gouvernement central avait auparavant émis un avertissement à l’État du Bihar concernant les niveaux insuffisants d’hygiène et la piètre qualité des aliments servis aux enfants.

Une enquête de la Commission de planification de l’Inde en 2010 a révélé que plus de 70 pour cent des enfants dans les écoles échantillonnées au Bihar étaient insatisfaits de la qualité de la nourriture qui leur était servie.

Un cinquième d’entre eux ont affirmé qu’ils ne recevaient pas assez à manger et trois quarts des établissements ont signalé qu’ils ne disposaient pas d’ustensiles de cuisine adéquats.

 

Le jeu des reproches

La tragédie a provoqué des remous considérables sur la scène politique. Réagissant aux attaques des partis de l’opposition, le gouvernement du Bihar a affirmé qu’il soupçonnait la présence d’une conspiration derrière la tragédie.

Le ministre de l’Éducation pour l’État du Bihar, PK Shahi, a déclaré aux journalistes que les morts n’avaient pas été causées par un empoisonnement alimentaire et qu’une enquête policière était en cours.

Le parti Janata Dal, au pouvoir, soutient par ailleurs que la directrice de l’école, Meena Kumari, est mariée à un activiste de l’opposition et que les enfants ont été expressément empoisonnés pour nuire à l’image du parti au gouvernement.

De nombreuses manifestations ont eu lieu en réaction aux morts – et ont, dans certains cas, donné lieu à des heurts violents.

Mais la question la plus importante qui se pose désormais est de savoir quelles mesures prendront le gouvernement central et les gouvernements des États pour garantir la qualité des repas scolaires ?

Lors d’une conférence de presse à Delhi, le ministre indien des Ressources humaines, le Dr MM Pallam Raju, a annoncé la formation d’un nouveau comité chargé d’assurer la qualité à travers le programme à niveau national.

Cependant, dans beaucoup d’écoles, les enfants refusent à présent de manger les repas gratuits.

Les responsables de cet effroyable incident doivent encore être identifiés et arrêtés.

Entre temps, des amis, parents et proches inconsolables assistent aux funérailles collectifs des 23 enfants morts qui ont lieu dans la cour d’école où ils jouaient encore il y a peu.

Alors que l’Inde attend des réponses, chaque parent dans le pays est solidaire des habitants du village de Chapra aujourd’hui en état de choc extrême et de deuil.