Les bombardements militaires menacent l’accord de paix en Colombie

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Moins de deux semaines après l’annonce par les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (Fuerzas Armadas Revolucionarias de Colombia, FARC) d’un « cessez-le-feu » unilatéral de 30 jours, 10 membres du groupe rebelle d’extrême-gauche ont été tués dans un raid mené par l’armée colombienne.

Selon le ministre de la défense du pays, Juan Carlos Pinzon, l’opération menée vendredi dernier dans la région montagneuse au centre du pays, dans la province de Meta, a permis de porter un « coup important » à la guérilla.

Parmi les victimes se trouve le commandant régional Pedro Lain Parra Suns, aussi connu sous le nom de John 26, un vétéran des FARC actif depuis15 ans.

Plus tôt ce mois-ci, les FARC ont annoncé un « cessez-le-feu » unilatéral de 30 jours, effectif à partir du 15 décembre. Les guérilleros espéraient ainsi obtenir de la part du gouvernement du président colombien Juan Manuel Santos un geste réciproque qui convertirait le cessez-le-feu en une trêve bilatérale et ferait progresser le processus de paix.

Mais le gouvernement Santos a promis de poursuivre la lutte contre les rebelles jusqu’à la signature d’un accord de paix.

Selon les chiffres officiels du gouvernement, environ 6 millions de personnes ont été affectées par les 50 ans de conflit entre les FARC et le gouvernement colombien, victimes de meurtres, de déplacements, de disparitions ou d’autres atrocités.

 

Discussions de paix 

Le processus de paix engagé à La Havane avec le concours de Cuba et de la Norvège, en tant que pays garants, et du Venezuela et du Chili en tant que pays accompagnateurs, fut formalisé le 26 août 2012, quand les délégués du gouvernement colombien et les représentants des FARC ont souscrit l’« Accord général pour la fin du conflit et la construction d’une paix stable et durable ».

Cet Accord général a ouvert la porte à des pourparlers directs et ininterrompus sur la base d’un ordre du jour détaillé qui a pour principaux axes : le développement agraire et la question de l’accès et de l’exploitation des terres, la participation des guérilleros à la vie politique du pays une fois qu’ils auront déposé les armes (les FARC pourraient se convertir en un parti politique), le cessez-le-feu et les réformes institutionnelles, la solution au trafic de drogue et, enfin, la question des réparations pour les victimes.

Le 6 novembre 2013, les négociations de paix ont enregistré une avancée significative avec un accord sur une participation politique des guérilleros une fois qu’ils se seront démobilisés et qu’ils auront définitivement déposé les armes.

Les deux délégations réunies à La Havane sont parvenues à un consensus sur la construction d’un contexte de démocratie élargie, de réconciliation et de tolérance, afin que les mouvements qui surgissent après la signature de l’accord de paix puissent disposer d’un espace politique et de participation institutionnelle où exercer une opposition démocratique et légale.

Suite au communiqué conjoint, Ivan Marquez, porte-parole des guérilleros, a procédé à la lecture d’un document rédigé par les FARC où ceux-ci reconnaissent que, même s’il reste beaucoup de chemin à parcourir, l’accord leur donne « de l’optimisme pour la suite des débats jusqu’à la signature de la paix et la fin du conflit ».

Dans un article paru sur El Tiempo.com, Humberto de la Calle, chef de l’équipe de négociateurs du gouvernement colombien reconnaît la portée de l’accord en soulignant qu’« on assiste à nouvel élan qui vise à renouer avec l’esprit de réforme » et que « la fin du conflit doit déboucher sur des transformations qui permettent de jeter les bases d’une paix durable ».


Soutien

Au niveau national, 53,7 % des Colombiens soutiennent le processus de paix et 32,6 % s’y opposent. Les données spécifiques à la « zone de conflit » indiquent 59,1 % d’opinions favorables contre 27,1 % d’opinions défavorables.

C’est ce qu’a révélé l’enquête « Que pensent les Colombiens du processus de paix ? », réalisée conjointement par l’Observatorio de la Democracia de l’Universidad de los Andes, le projet Barómetro de las Américas, l’Université Vamderbilt aux États-Unis et l’agence américaine pour le développement international (USAID).

Juan Carlos Rodriguez Raga, directeur de l’Observatorio de la Democracia, a expliqué à la revue Semana.com que les Colombiens sont en faveur d’une solution négociée mais « sont nettement moins disposés à faire des concessions en matière de justice et de participation politique » et sont « aussi réticents à pardonner ou à ce qu’on pardonne leurs crimes aux membres des FARC, même s’ils confessent leurs délits ».

Bien que l’opinion publique concernant la problématique du secteur agraire se rapproche de la position des guérilleros, cela ne signifie pas – d’après Rodriguez Raga – que les FARC « remporteront un succès aux urnes, car la mauvaise réputation qu’ils ont acquise a pris des proportions énormes et sera difficile à blanchir ».

En Colombie, le processus de paix est désormais devenu le principal thème débattu par les candidats aux élections présidentielles de mai 2014. On trouve, d’une part, ceux qui cautionnent les dialogues de La Havane pour le fait qu’ils aient obligé les guérilleros à s’asseoir à la table des négociations et, de l’autre, ceux qui considèrent les négociations comme un piège pour l’État qui permettraient aux FARC de se réorganiser.

Tandis que les négociateurs à Cuba poursuivent leurs efforts pour définir un nouveau cadre qui renforce la démocratie sur la base d’une transparence accrue, de l’inclusion et du pluralisme politique, en Colombie, le climat électoral autour des présidentielles semble plus brûlant que jamais, surtout suite à la décision d’Alejandro Ordoñez, procureur général de la nation, de destituer Gustavo Petro, maire socialiste de Bogota.

Le processus de paix, nécessaire pour mettre un terme définitif à un conflit national prolongé et sanglant, reste en proie à des pressions intenses et est jonché d’obstacles.