Bénéfices records mais sans grandes retombées pour les travailleurs du sucre du Malawi

Propriété du groupe Associated British Foods (Ryvita, Patak’s, Primark), Illovo Sugar est le premier producteur de sucre du continent africain. Des six pays d’Afrique australe où la société est implantée, le Malawi est celui qui génère ses plus gros bénéfices.

Cependant, les bénéfices dérivés des exportations sucrières accrues vers l’Europe et d’autres marchés africains n’ont que peu bénéficié aux ouvriers non qualifiés d’Illovo Malawi.

La situation est particulièrement difficile pour les travailleurs chargés des tâches éreintantes que sont la coupe de la canne à sucre et le désherbage – la plupart d’entre eux sont embauchés au régime de main-d’œuvre saisonnière, occasionnelle.

En mars 2013, Illovo Malawi a signé un accord avec le syndicat des travailleurs des plantations sucrières et connexes (Sugar Plantation and Allied Workers Union of Malawi, SPAWUM), où la firme a consenti à une augmentation de 26% pour l’ensemble du personnel.

Cette décision concernait l’ensemble des 5400 salariés permanents des raffineries d’Illovo Malawi à Nchalo et Dwangwa, de même que les employés du siège social de l’entreprise à Limbe.

Cependant, sur l’effectif total de 10.000 travailleurs dont dispose Illovo Malawi, un peu moins de la moitié sont des travailleurs en sous-traitance ou contractuels – qui n’étaient pas pris en compte dans le cadre de l’augmentation salariale.

D’autre part, les employés permanents continuent de se plaindre du fait que leurs droits fondamentaux comme le congé de maternité, le congé maladie et la rémunération des heures supplémentaires ne sont pas respectés, alors que les employés de grade inférieur affirment que leur salaire minimum mensuel de 14400 kwachas (34 USD) ne leur permet pas de faire face au coût de vie croissant.

Il y a également un problème au niveau des prestations dès lors que les personnels administratifs et techniques de grade supérieur ont droit, à la fois, à une allocation de logement et à une allocation scolaire, alors que les employés de grade inférieur – qui peuvent difficilement prendre en charge les frais de scolarisation de leurs enfants – sont obligés de recourir à des emprunts.

Prince Jasimawo, président du SPAWUM, a confirmé que la politique sociale de l’entreprise demeurait une source de préoccupation.

« La plupart des employés [subalternes] sont mécontents du fait que des aides scolaires soient accordées aux employés de grades supérieurs alors que les prêts scolaires [de l’entreprise] sont inabordables pour eux.

« En tant que syndicat, nous avons envoyé plusieurs propositions à la direction à ce propos ».

La déléguée aux relations publiques d’Illovo Malawi, Ireen Phalula, n’ayant pu être jointe, Kenwood Mataka du département des ressources humaines d’Illovo Malawi a déclaré à Equal Times que tous les employés de la société étaient adéquatement rémunérés et respectés.

« Illovo rémunère ses employés subalternes à des taux de main-d’œuvre non qualifiée qui sont supérieurs au salaire minimum national [8000 kwachas ou 20 USD], en plus de diverses prestations dont une couverture santé », a-t-il indiqué.

 

Main-d’œuvre contractuelle

Ce n’est, toutefois, pas le cas des 4500 travailleurs contractuels employés par Illovo Malawi.

« Nos conditions de travail déjà précaires sont aggravées par le fait que nous ne sommes pas directement employés par Illovo mais embauchés par des entrepreneurs payés par l’entreprise pour l’exécution de tâches manuelles comme le désherbage et la plantation », confie un journalier qui a souhaité garder l’anonymat.

Ce coupeur de canne embauché au régime contractuel a dit à Equal Times qu’il touchait 600 kwachas par jour (1,40 USD) à condition d’atteindre son quota journalier qui consistait à récolter de la canne à sucre sur une superficie de 40 mètres sur 35.

Vu l’extrême pénibilité de la tâche, les travailleurs – notamment les femmes – manquent fréquemment d’atteindre leur quota.

Et compte tenu de la difficulté qu’ils auraient à trouver de l’emploi ailleurs, les contractuels engagés par Illovo sentent qu’ils n’ont pas le choix.

« Les conditions de travail sont effectivement déplorables mais nous devons prendre notre mal en patience car nous avons peur de perdre notre emploi », a dit le travailleur anonyme.

Ces craintes sont avivées par le souvenir du mouvement collectif de 2011 quand les travailleurs s’étaient mis en grève pour réclamer de meilleurs salaires. L’action fut suivie du licenciement sommaire des principaux meneurs de grève pour, entre autres motifs, avoir tenu des assemblées syndicales sans la permission de l’entreprise.

Les dirigeants du SPAWUM qui se trouvaient eux aussi au nombre des travailleurs congédiés se sont plaints d’avoir fait l’objet d’intimidations de la part de membres de la direction d’Illovo et de la police.

En vertu de la politique d’entreprise d’Illovo, le syndicat n’est autorisé à tenir une assemblée qu’après avoir obtenu préalablement une autorisation à tel effet de la direction.

Ceci est, toutefois, en contradiction avec la constitution du Malawi qui garantit la liberté d’association pour tous les citoyens sans distinction.

Mais tant qu’ils continueront à amasser des bénéfices plantureux, tout paraît indiquer que les magnats du sucre du Malawi pourront continuer à s’arroger la loi à leur gré.