UE - Austérité et réformes du travail, simplement inacceptables

 

 

Les autorités de l’UE subissent une pression croissante en faveur d’un allègement des mesures de rigueur introduites pour réduire les dettes nationales et des réformes visant l’harmonisation du marché du travail européen.

« Le mélange actuel d’austérité et de réformes structurelles est inacceptable et a produit des résultats négatifs », a déclaré Guy Ryder, directeur général élu de l’Organisation internationale du travail, à l’occasion d’une récente conférence sur l’emploi, à Bruxelles.

Selon lui, un « tournant politique immédiat » s’impose et doit s’accompagner d’une solidarité à l’échelle européenne.

[caption id="attachment_1879" align="alignnone" width="530"] Des manifestants brandissent un étendard portant l’inscription « À bas la troïka ! Laissez-nous vivre », durant une marche à Porto, contre les mesures d’austérité mises en œuvre par le gouvernement portugais (AP Photo/Paulo Duarte)  

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L’OIT a calculé que si la Grèce quittait la zone euro, le chômage augmenterait dans la zone euro, même en Allemagne, où une sortie de la Grèce (« Grexit ») est susceptible d’entraîner une augmentation d’environ 25% du taux de chômage.

« Si nous avions été à la table en Grèce, nous aurions pu faire une différence », a souligné Guy Ryder.

Dans une allocution prononcée en Slovénie ce lundi, le commissaire européen aux Affaires sociales, Laszlo Andor, a exhorté les gouvernements européens à faire davantage pour stimuler la création d’emploi.

« Nous devons accorder une priorité plus grande à la politique de l’emploi », a-t-il affirmé.

« La justice sociale, la solidarité et l’égalité des chances sont les conditions préalables de l’essor et de la croissance économiques, pour le bien-être de nos concitoyens européens et pour la cohésion de la société européenne. »

Or pas plus tard que la semaine dernière, l’Union européenne a été forcée de retirer une proposition de loi qui était largement considérée comme une menace à certains droits fondamentaux des travailleurs, dont le droit de grève.

La décision est intervenue suite à l’opposition générale des syndicats, des législateurs et des gouvernements nationaux.

Les syndicats insistent sur la nécessité d’une meilleure législation, pour garantir que les libertés économiques inscrites dans les traités de l’UE ne puissent prendre le dessus sur les droits sociaux fondamentaux.

« La Commission (européenne) doit confirmer que l’UE n’est pas seulement un projet économique mais qu’en réalité son principal objectif est l’amélioration des conditions de vie et de travail de ses citoyens », a déclaré Bernadette Ségol, secrétaire générale de la Confédération européenne des syndicats.

La proposition de règlement présentée en mars visait à combler des failles du Droit européen mises en évidence par des litiges intervenus au milieu des années 2000, où le droit de grève entrait en conflit avec le principe de l’UE selon lequel ses 27 pays membres constituent un marché économique et du travail unique.

Dans le cadre de ce qui a été nommé l’affaire Viking, des marins finlandais s’étaient opposés aux plans d’une compagnie maritime de leur pays de faire passer un navire sous pavillon estonien, pays dont la législation offre moins de protection aux travailleurs.

Dans le deuxième cas, des syndicats suédois ont lancé un appel à la grève pour contraindre un entrepreneur à appliquer les conventions salariales suédoises à ses employés lettons lorsque ceux-ci travaillaient sur des chantiers suédois.

Bien que destiné à mettre fin à l’ambigüité de la législation européenne, le règlement proposé n’a pas tardé à être dénoncé par les syndicats aux quatre coins de l’Europe comme remettant en cause le droit de grève, un droit fondamental.

« Le règlement proposé… met les libertés économiques et les droits fondamentaux sur un pied d’égalité », ont affirmé les confédérations syndicales luxembourgeoises OGBL et LCGB dans une déclaration commune la semaine dernière.

« Un tel principe est inacceptable car il restreint les droits des travailleurs et la capacité d’action des syndicats. Le droit de grève est un droit fondamental qui doit prévaloir sur les libertés économiques. »

Les syndicats et les politiciens de centre gauche appellent, à présent, à la substitution de la proposition bancale par une nouvelle législation qui garantisse la protection des droits des travailleurs en cas de différends transfrontaliers.

« La Commission doit trouver un moyen de promouvoir les droits des travailleurs, l’égalité de traitement et la concurrence loyale dans sa législation primaire », a dit Emer Costello, du Parti travailliste irlandais, députée au Parlement européen.

Dans sa déclaration, elle a indiqué que les eurodéputés travailleraient avec la Commission « à la recherche d’une solution législative qui garantisse la pleine reconnaissance des droits fondamentaux, qui favorise l’égalité de traitement et offre une protection contre le dumping social. »

Paradoxalement, la décision d’abandonner le règlement afférent au droit de grève a suscité un accueil favorable auprès de plusieurs politiciens de droite et du plus important lobby d’affaires européen.

Mais, alors même que les syndicats demandent une révision des règles, voilà que BusinessEurope se prononce en faveur d’un retrait de la question de l’ordre du jour de l’UE, pour que chacun des 27 pays membres puisse s’en tenir à ses propres règles en matière de droit de grève.

« Aucune initiative réglementaire de l’UE n’est nécessaire dans ce domaine », a affirmé l’organisation des employeurs.

La Commission européenne insiste sur le fait que le droit de grève et la liberté de mouvement des travailleurs reste « entièrement garantis » en vertu du Droit européen.

Le Berlaymont attend l’adoption prochaine par les gouvernements nationaux et le parlement européen d’un autre projet de loi destiné à renforcer les droits des travailleurs affectés dans d’autres pays membres de l’UE.

Entre temps, Andor réfléchit aux étapes suivantes et à la possibilité d’une législation sur le droit de grève applicable dans l’ensemble de l’UE et couvrant les cas transfrontaliers, ont indiqué des responsables de l’UE à Equal Times.