Europe: l’industrie automobile en danger

 

La crise de l’industrie automobile en Europe est loin d’être terminée. De nombreux experts estiment que le chemin vers la reprise est encore long et sinueux et ne sera pas sans heurts.De nombreux emplois sont encore menacés. Seuls quelques constructeurs arrivent à tirer leur épingle du jeu en misant, notamment, sur la main-d’œuvre qualifiée.

Bob Shanks, directeur financier du constructeur américain automobile Ford, expliquait à l’Agence France Presse (AFP), le 29 janvier dernier, que le secteur automobile européen n’en était qu’au début de sa restructuration et qu’il pensait que « les mesures difficiles commencent tout juste. »

Selon lui, si le plus dur reste à venir, il est possible de restructurer le secteur automobile européen mais cela devra s’accompagner de licenciements en raison de capacités de production excessives.

En France, par exemple, un ancien dirigeant d’une grande entreprise aurait déclaré qu’il y avait 150 000 emplois de trop dans le secteur sur 400 000, dont deux tiers chez les équipementiers et les sous-traitants, et que les gouvernements successifs et les entreprises ne s’étaient pas préparés à faire face à cette réalité.

Même son de cloche pour Bob Shanks: « Il y a un manque de volonté et de capacité de la part de beaucoup d’acteurs à prendre les mesures nécessaires pour créer un environnement sain pour le secteur. »

Si Ford a perdu énormément en Europe en 2012 (on parle de 1,75 milliard de dollars), les prévisions pour 2013 ne sont guère optimistes et les pertes pourraient atteindre 2 milliards de dollars.

Même constat pour les groupes français PSA (Peugeot-Citroën) et Renault. Les deux constructeurs ont annoncé, en 2012, des plans de restructurations drastiques. Plus de 8 000 emplois directs seront supprimés de part et d’autre (en 2016 pour Renault et en 2014 pour PSA) sans parler des milliers d’emplois indirects liés dans la région.

Un nouveau round de négociations est en cours avec les organisations syndicales et les débats sont on ne peut plus houleux. Les productions sur les sites encore en activité sont perturbées par des mouvements de grève par des salariés fatigués d’être au cœur d’un système qu’ils ne comprennent plus. Des familles entières seront inévitablement mises sur le carreau avec très peu d’espoir de reconversion dans le contexte économique actuel.

Les raisons de ces restructurations sont connues. Pour PSA, par exemple, 2012 a été une année catastrophique. Les ventes se sont tout bonnement effondrées en Europe du Sud et en France où le constructeur est très présent.Difficile effectivement pour des pays faisant face à l’une des plus graves crises économiques et financières de l’histoire moderne, avec des habitants qui luttent tous les jours pour trouver un emploi décent, d’investir dans le secteur automobile.Si les ventes dans cette région ont chuté de près de 15%, elles ont malgré tout progressé en Chine. Si PSA veut rebondir en Europe, des innovations seront nécessaires à très court terme.

Autre conséquence de la crise du marché automobile européen, la fermeture de plusieurs sites sidérurgiques par Arcelor Mittal, notamment à Liège en Belgique et à Florange en France.La colère des travailleurs est grande, tout comme leur détresse. Les gouvernements belge et français font le forcing mais les cartes sont dans les mains de Lakshmi Mittal, vu par beaucoup comme un patron voyou.

Vincent de Coorebyter, président-directeur général du Centre de recherche et d’information socio-politiques belge (CRISP), analysait la situation dans Le Soir du mercredi 30 janvier.

Pour lui, c’est d’abord le système de la mondialisation qui permet à des entrepreneurs comme Mittal d’ouvrir et de fermer les sites au gré de ses besoins. « N’oublions pas », dit-il, « que pour tout groupe industriel, chaque investissement est conçu comme une source de profit et devient une variable d’ajustement lorsque l’évolution du marché le commande. »

Son groupe étant mondial, les bassins sidérurgiques de Liège et de Florange ne sont que des petits pions de l’échiquier. Dure réalité, encore une fois, pour les travailleurs concernés qui voient le spectre du chômage les rejoindre à grands pas.

 

Un constructeur en pleine expansion

En Belgique, on assiste depuis plus de quinze ans à la fuite des constructeurs automobiles. On en comptait alors cinq, il n’en reste aujourd’hui que deux: Volvo et Audi.

Si Volvo est implanté depuis de nombreuses années, Audi Bruxelles a été créé en 2007 sur les cendres du site Volkswagen. Le groupe Audi se porte très bien et est en pleine expansion en Europe. Selon Gerhard Schneider, porte-parole de la direction et directeur général technique et logistique du site bruxellois, toujours dans Le Soir, « il y a de l’avenir pour l’industrie automobile en Belgique ».

Bien sûr, M. Schneider reconnaît que c’est avec le segment Premium qu’Audi et Volvo peuvent se démarquer. Et bien évidemment, les personnes qui subissent le moins la crise sont en position d’acheter ce type de voiture. Mais, surtout, il justifie le choix belge par la qualité des travailleurs: « Nous ne voulons pas engager puis dégager constamment. Pour nous, il est très important de garder ce noyau de base très qualifié engagé à durée indéterminée. »

Si on peut se poser des questions sur le modèle d’Audi à Bruxelles, notamment le fait d’utiliser des intérimaires comme soupapes, il faut malgré tout reconnaître qu’il évite le chômage économique pour les travailleurs impliqués et les rend de plus en plus compétitifs.

Et jusqu’ici, les chiffres dans le vert parlent pour eux.