Égypte: des enfants arrêtés et torturés par les forces de sécurité

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Les associations de défense des droits humains accusent les forces de sécurité égyptiennes d’arrêter sans raison de nombreux enfants et, dans certains cas, de les torturer et de les maltraiter.

Le 3 février dernier, Omar Salah, un vendeur de patates douces âgé de 12 ans, a été tué «accidentellement» d’une balle dans la poitrine par un soldat.

Le 7 mai, un tribunal militaire a condamné à trois ans de prison le soldat accusé d’avoir tué Salah, mais l’Egyptian Coalition on Children’s Rights (Coalition égyptienne pour les droits de l’enfant – ECCR) a critiqué le verdict, l’estimant trop clément.

 

 

Plus tôt dans l’année, Mahmoud Adel, un adolescent de 14 ans atteint d’un cancer, a fait la une des actualités après avoir été arrêté dans la ville portuaire d’Alexandrie et détenu pendant neuf jours, durant lesquels il n’a pas eu ses séances vitales de chimiothérapie.

Adel – qui souffre d’un cancer des os – a déclaré à Al Jazeera qu’il ne participait à aucune manifestation lorsqu’il a été arrêté: «Je buvais un verre avec mes amis et on s’amusait à sauter par-dessus des flaques d’eau.

Je n’avais rien à voir avec les manifestations».

Les autorités ont malgré tout refusé de le libérer, en dépit des documents attestant de la maladie d’Adel qui leur ont été présentés.

Le procureur a accusé Adel et un autre enfant d’avoir «utilisé une force exagérée pour empêcher l’application de la loi, offensé des employés de l’État et mis en danger la sécurité de la ville d’Alexandrie.»

C’est grâce aux pressions exercées par les associations de défense égyptiennes des droits humains qu’Adel a pu être libéré.

 

Des chiffres sans précédent

Selon l’ECCR, le ministère égyptien de l’Intérieur a arrêté 383 enfants depuis le deuxième anniversaire de la révolution égyptienne, le 25 janvier.

Dans un entretien accordé au site d’informations sur Internet Ahram Online, le représentant de l’UNICEF en Égypte, Philippe Duamelle, a signalé que l’agence des Nations Unies avait fourni au cours des derniers mois une assistance juridique à environ 600 enfants accusés d’avoir participé à des manifestations.

Pendant les manifestations et les affrontements, les forces de sécurité égyptiennes essaient d’arrêter le plus grand nombre de personnes possible, en privilégiant celles qui sont le moins à même de riposter, c’est-à-dire souvent des mineurs, explique Ghada Shahbender, militante pour les droits humains.

«C’est une manière de faire peur aux gens, incontestablement. Le nombre d’enfants arrêtés par les forces de sécurité et la façon dont ils sont détenus est un phénomène sans précédent, d’après mon expérience», confie-t-elle.

Bon nombre des enfants arrêtés subissent de graves violations des droits humains.

Non seulement soumis aux violences physiques et au vol de leurs effets personnels, les enfants font souvent l’objet d’agressions sexuelles.

Généralement, les mineurs sont détenus aux côtés d’adultes, ce qui constitue une violation directe du droit égyptien des enfants, qui a été amendé en 2008.

Une enquête de Human Rights Watch a récemment révélé que des policiers et des militaires brutalisaient un grand nombre d’enfants détenus et qu’ils les soumettaient parfois à des violences apparentées à des actes de torture.

Le gouvernement du président Morsi a promis de mettre fin à ces pratiques mais, manifestement, rien n’a changé, déplorent les militant(e)s.

 

Les enfants des rues

En Égypte, ce sont les enfants des rues qui sont le plus durement touchés par la violence des autorités, dans la mesure où ils participent souvent aux manifestations et aux affrontements qui sont désormais si fréquents dans le pays.

Ils n’ont pas de foyer et vivent dans la rue; afin de gagner assez d’argent pour pouvoir s’acheter à manger, ils transportent des marchandises.

«Certes, il est difficile de savoir combien d’enfants vivent dans la rue en Égypte, mais une chose est sûre: il y en a beaucoup et il est pratiquement certain que leur nombre continue d’augmenter» déclare l’UNICEF.

Bien qu’il ne soit pas facile de quantifier ce phénomène, les ONG estiment que le pays compte plusieurs dizaines de milliers d’enfants des rues, essentiellement dans les grandes villes, comme le Caire et Alexandrie.

Compte tenu de leurs pénibles conditions de vie et du harcèlement dont la police fait preuve à leur égard, il est compréhensible que les enfants des rues participent aux manifestations pour protester contre le régime et les autorités.

Comme les autres Égyptien(ne)s, eux aussi aspirent à une vie meilleure.

L’arrivée au pouvoir des Frères musulmans en 2012 n’a pas permis d’améliorer les difficiles conditions de vie des Égyptiens et, tant que cela ne changera pas, les manifestations continueront.

Et aussi longtemps qu’il y aura des manifestations, les enfants seront des victimes, surtout si la détérioration générale des droits humains se poursuit de la sorte en Égypte.