Chili: Pascua Lama, prospection aurifère ou dévastation?

 

Baptisé Pascua du côté chilien et Lama du côté argentin, il est plus connu désormais sous le nom de Pascua Lama.

Il s’agit du projet minier de la Barrick Gold Corporation, la plus grande société aurifère du monde, de nationalité canadienne, un projet dont les jours pourraient être comptés au terme d’une litanie de dommages environnementaux et sociaux, de mauvaises pratiques en matière d’emploi et de falsifications de titres de propriété minière.

Cette firme a régulièrement changé de raison sociale au Chili et opère actuellement sous le nom de Minera Nevada Spa.

À travers ce projet, elle envisage une fracturation à ciel ouvert qui consisterait à couper la cime d’une montagne à une altitude de 4500 mètres au dessus du niveau de la mer pour accéder à un gisement contenant 18 millions d’onces d’or, 731 millions d’onces d’argent et 662 millions de livres de cuivre.

La valeur actuelle d’une once d’or calculée sur la base d’un or pur se s’élève à 24,822 millions de dollars.

Pour Rodrigo Villablanca, dirigeant de la communauté diaguite, le fait que l’entreprise ait écopé d’une amende ne suffira pas à réparer les dégâts encourus.

« Deux milles litres d’effluves contenant des excréments provenant des toilettes chimiques ont été déversées dans le fleuve, à un endroit où les gens s’approvisionnent en eau et se lavent. L’odeur était nauséabonde », dit-il, avant d’ajouter :

« Durant dix mois, des drainages acides ont été déversés dans le fleuve ; les eaux ont été contaminées par l’arsenic, le plomb et les excréments des travailleurs d’en-haut ». Les poissons, les oiseaux, les batraciens et les crustacés ont disparu. Nos arbres produisent moins. Mais ils paient les amendes et continuent à déverser leurs crasses dans le fleuve. »

Barrick Gold a été sanctionnée le 24 mai 2013 par l’instance environnementale chilienne, la Superintendencia de Medio Ambiente, et condamnée à payer une amende de 16,4 millions de dollars.

Le Projet Pascua Lama a été sanctionné pour « infractions graves » à la Résolution de qualification environnementale (RCA), notamment pour « non-exécution des travaux liés au système de traitement des eaux de contact et autres, qui auraient dû être en place préalablement aux travaux d’excavation. »

Matias Asun de Greenpeace Chili a qualifié la sanction de « dérisoire », précisant que « le texte de la sanction indique la présence de dégâts environnementaux irréparables dans les marais et les tourbières d’altitude, qui constituent des écosystèmes uniques, d’une grande valeur biologique, dont l’existence-même se doit à des conditions environnementales bien particulières permettant le développement d’espèces de flore et de faune typiques. »

Pour sa part, Lucio Cuenca, directeur de l’Observatoire latino-américain des conflits environnementaux (Observatorio Latinoamericano de Conflictos Ambientales, OLCA), a réfuté les arguments de Barrick Gold selon lesquels la destruction des glaciers de haute montagne qui alimentent les cours d’eau de la Vallée de Huasco est le résultat du « changement climatique ».

Et Cuenca d’insister: « Il existe des preuves irréfutables et accablantes qui attestent de la destruction provoquée par l’entreprise durant la phase de prospection du projet Pascua Lama avant 2000 et de la destruction qui se poursuit à l’heure actuelle dans le cadre du processus de construction. 

Imputer cela au changement climatique c’est faire un pied de nez à l’ensemble du peuple chilien quant aux responsabilités directes de cette société dans la destruction des glaciers », a-t-il souligné.

Au plan de l’emploi, plus de 3000 ouvriers se sont retrouvés sur le carreau suite à la suspension des travaux sur ordre des autorités judiciaires.

Ils ont été rejoints récemment par près de 400 autres travailleurs de l’entreprise de sous-traitance Redpath, chargée de la construction d’un tunnel transfrontalier dans le cadre du projet Pascua Lama.

Celui-ci devait permettre l’acheminement du minerai, dont 80 pour cent se trouve concentré du côté chilien, vers l’Argentine, en vue de son traitement.

Il convient de rappeler que ce projet enfreint le code minier chilien en s’abritant derrière un traité binational (Traité sur l’intégration et la complémentarité minière) disposé, en partie, par Barrick Gold et signé par les présidents Eduardo Frei (Chili) et Carlos Menem (Argentine), traité qui créé de fait un « pays virtuel » dans la Cordillère des Andes pour l’exploitation des richesses minérales que celle-ci recèle.

 

 

Une propriété minière contestée en justice

Au cours des prochaines semaines, quelque 4000 Diaguites introduiront un recours en justice pour réclamer la restitution de leurs terres dans une zone de la cordillère appelée Vallenar y Huasco, là où est situé le projet minier Pascua Lama.

L’avocat Alex Quevedo à la tête de l’équipe juridique qui défend les communautés explique qu’en 1903, des titres de propriété ont été délivrés aux habitants des communautés ethniques de l’Atacama, titres qui ont été actualisés dans le courant des années 1990.

Les personnes pourvues de tels antécédents et de titres de propriété réclameront des droits de propriété sur ces terres qui occupent une superficie de quelque 390.000 hectares.

À la dernière action en justice vient s’ajouter celle intentée par l’entrepreneur minier chilien-canadien Jorge Lopehandia qui, conjointement à Mountainstar Gold Inc., accuse Barrick Gold et Nevada Spa au Chili d’extraire illégalement du minerai d’or en faisant valoir des concessions portant sur l’extraction de sels minéraux et de nitrate, de sortir l’or du Chili au mépris d’une mesure judiciaire préventive émanant de la Cour Suprême interdisant la conclusion de tout acte ou contrat portant sur le minéral, de se livrer à des transactions sur les marchés financiers internationaux avec des titres artificiels et de tenter d’obstruer la justice en présentant de faux témoignages, entre autres.

Lopehandia et Brent Johnson, son associé chez Mountainstar Gold Inc. sont, tous deux, préoccupés par les actions de la justice chilienne qui a, jusqu’à présent, transmis les dossiers d’enquête relatifs à cette affaire en manquant d’y joindre toute l’information requise et refusé d’instruire un procès contre les responsables, à savoir les représentants de Barrick Gold pour lesquels l’accusation réclame la peine de prison.