Chili : Cuivre et étudiants = Un cocktail explosif

 

La marmite est sur le point d’exploser.

À la veille de deux grèves nationales, le ministère de l’Éducation a informé récemment que les manifestations contre la réforme de l’éducation ont conduit à la fermeture de 122 établissements secondaires et l’occupation de 62 autres.

Par ailleurs, 19 universités dotées de facultés aux quatre coins du pays connaissent une situation similaire, donnant lieu à des expulsions et à une répression policière violente aux mains des Carabineros du Chili.

La mobilisation estudiantine est motivée par la revendication du droit à une éducation gratuite et de qualité, qui soit consacrée par la constitution et qui bénéficie, le plus tôt possible, d’un financement adéquat.

« Nous voulons abolir le système éducatif qui a vu le jour sous la dictature d’Augusto Pinochet, de même que la loi organique constitutionnelle de l’enseignement (Ley Orgánica Constitucional de Enseñanza, LOCE), législation qui a attribué à l’État le rôle de régulateur et délégué une grande partie de l’enseignement à des entités privées » , ont signalé les étudiants mobilisés.

Leurs revendications ont été ralliées par les membres de la Confédération des travailleurs portuaires et des syndicats associés à la production du cuivre, entre autres.

Étudiants et travailleurs sont aujourd’hui convaincus que le financement de l’éducation des jeunes au Chili doit provenir du métal rouge, le cuivre, dont le Chili est le principal producteur mondial (35% de la production mondiale).

Diego Vela, président de la Fédération des étudiants de l’Université catholique, a dit : « Le 26 juin prochain, nous allons nous mobiliser et tout paralyser à niveau national. Tous les ports du pays vont suspendre leurs activités au nom d’une éducation gratuite, publique et de qualité. »

Pour sa part, le syndicat de l’industrie minière et des branches connexes (Sindicato Interempresa de la Gran Minería y Ramas Anexas – SITECO), a déclaré : « L’intransigeance du gouvernement est excessive et les promesses issues de la concertation ne suffisent pas à dissimuler leurs véritables intentions : Promouvoir le lucre et le bradage de nos droits sociaux. »

Le syndicat a expliqué à l’opinion publique : « Le cuivre, la ressource du Chili – qui fut naguère nationale et qui est aujourd’hui entre des mains étrangères – constitue la solution aux revendications du mouvement estudiantin et ouvrier. (…) Nous sommes des milliers de femmes et d’hommes modestes, unis et mobilisés, prêts à prendre le destin de notre patrie entre nos propres mains. »

Barbara Figueroa, la première femme de l’histoire du Chili à occuper la présidence de la CUT, a été très claire : « D’après le président, le Chili a enregistré une croissance moyenne de 5% par an au cours des trois dernières années, surpassant la période antérieure pour se retrouver coude à coude avec les pays de l’OCDE. »

Et de poursuivre : « Mais en procédant à son analyse, le gouvernement a oublié de signaler que cette croissance ne concerne qu’une partie de la société », une réalité qui se fait jour lorsqu’on constate que le Chili, qui aime à se vendre au reste du monde comme le « jaguar de l’Amérique latine » est, selon l’indicateur GINI, le pays le plus inégal du monde, devant des pays comme les États-Unis et Israël.

Il convient de rappeler qu’au cours de la dernière grève nationale qui a eu lieu dans le pays, les 24 et 25 août 2011, un jeune étudiant répondant au nom de Manuel Gutierrez avait trouvé la mort suite à des coups de feu tirés par les Carabineros, un incident qui reste à ce jour inexpliqué.

D’après divers sondages d’opinion réalisés au Chili, près de 80% de la population soutient les revendications des étudiants, qui sont désormais ralliés par les travailleuses et travailleurs du pays.

Cristian Cuevas, président de la Confederacion de Trabajadores del Cobre a déclaré à Equal Times : « Nous appuyons entièrement la mobilisation des étudiants car cela relève de notre responsabilité. Cette action collective se livrera sur divers fronts auxquels nous espérons voir se rallier les masses car elle est le prélude de ce qui surviendra le 11 juillet. »

« Pour la grève du 11 juillet, nous appelons aussi à la prise en compte de l’ordre du jour des travailleurs, dont la clarté n’est égalée par aucun candidat présidentiel. Il nous revient de mettre nos priorités à l’ordre du jour », a-t-il précisé.

Le mouvement de grève convoqué par la CUT pour le 11 juillet a pour axes centraux : « Une nouvelle législation du travail qui englobe les travailleuses et travailleurs des secteurs publics et privés, formels et informels ; la fin des AFP (sociétés de gestion des fonds de pension), l’instauration d’un nouveau régime de pensions où l’État jouera un rôle de protagoniste et une réforme fiscale qui permette véritablement de financer des droits comme l’éducation, la santé et le logement. »