Nous ne cèderons pas d’un pouce dans la défense du droit de grève en Argentine

Malheureusement, nous avons pu, ces derniers temps, constater depuis les rangs du mouvement syndical une intention claire de saper les droits des travailleurs et des syndicats, et ce tant au niveau local, régional qu’international. L’Argentine ne fait pas exception.

Depuis la prise de fonction du président Javier Milei, le mouvement syndical planche sur un plan d’action stratégique – au niveau national et international – visant à défendre les intérêts et les droits des travailleurs contre les différentes mesures adoptées par le nouvel exécutif.

De fait, quelques jours à peine après son entrée en fonction, le gouvernement national de la République argentine a promulgué une série de lois visant clairement, entre autres, à affaiblir les droits du travail et les droits syndicaux, au détriment des travailleurs, suscitant par là même la réaction logique du mouvement syndical organisé.

Parmi les mesures mises en œuvre, il convient de signaler le « protocole pour le maintien de l’ordre public » et le « décret de nécessité et d’urgence 70/23 », qui visent, d’une part, à limiter les droits syndicaux et les droits des travailleurs acquis et, d’autre part, à criminaliser la contestation sociale dans le but manifeste et certainement pas innocent de discipliner les organisations syndicales qui, insatisfaites de la réalité, luttent pour la modifier – toujours dans le plein respect des prérogatives qui leur sont reconnues par la législation nationale et les réglementations internationales.

Tant le Protocole que le Décret ont été mis en œuvre par le gouvernement actuel de manière unilatérale et sans consultation préalable des acteurs et représentants sociaux, au mépris de la tradition de dialogue social institutionnalisé de notre pays, qui se trouve au cœur de son système démocratique.

Un droit fondamental reconnu et protégé en Argentine

Dans mon pays, la République argentine, le droit de grève est un droit fondamental garanti par la Constitution et protégé par les conventions internationales ratifiées par le pays.

L’article 14 bis de la Constitution garantit le droit des syndicats à « conclure des conventions collectives du travail ; à recourir à la conciliation et à l’arbitrage ; à exercer le droit de grève ».

La loi sur les associations syndicales (loi 23.551), conformément à la Constitution, reconnaît également à ces dernières le droit de « négocier collectivement, le droit de participer, le droit de grève et le droit de recourir à d’autres formes légitimes d’action syndicale ».

Le cadre juridique national protégeant le droit de grève est fondé sur les conventions internationales y afférentes. Par exemple, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels stipule à l’article 8, paragraphe 1, que : « Les États parties au présent Pacte s’engagent à assurer […] le droit de grève, exercé conformément aux lois de chaque pays. »

Ce droit est, à son tour, protégé par la convention 87 de l’Organisation internationale du travail sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, ratifiée par l’Argentine en 1960.

Il faut bien comprendre que la grève est un droit qui a été acquis de haute lutte par les travailleurs, organisés en syndicats, et qui fonctionne comme un outil démocratique pour résoudre les conflits d’intérêts qui surviennent naturellement dans le monde du travail.

Ce droit touche au cœur de la liberté syndicale et, en tant que tel, constitue le moyen de remédier au rapport de force inégal qui existe dans le monde du travail. La grève est un droit effectif des travailleurs qui leur permet d’exiger de meilleures conditions de travail.

Le Comité de la liberté syndicale de l’OIT, dont je suis membre, a réaffirmé à plusieurs reprises que : « Si le comité a toujours considéré le droit de grève comme étant un des droits fondamentaux des travailleurs et de leurs organisations, c’est dans la mesure seulement où il constitue un moyen de défense de leurs intérêts économiques », et à ce titre, « le droit de grève est un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et pour défendre leurs intérêts économiques et sociaux » […].

Voilà pourquoi, depuis les rangs du mouvement syndical, tant au niveau local qu’international, nous défendons sans réserve le droit de grève, avec la certitude qu’il s’agit d’un instrument indispensable à l’amélioration continue des conditions sociales et professionnelles des travailleurs, avec un impact positif sur la situation des pays.

Une réponse syndicale coordonnée et sur plusieurs fronts

Face aux actions unilatérales du gouvernement, le mouvement syndical argentin a lancé des appels réitérés au dialogue social, mais en vain.

C’est ainsi que le Protocole pour le maintien de l’ordre public portant atteinte aux droits d’expression et de réunion, entre autres, ainsi que le décret de nécessité et d’urgence (Decreto de Necesidad y Urgencia, DNU) 70/23, qui promouvait une réforme du travail contraire aux droits individuels et collectifs des travailleurs, ont fait l’objet d’une saisine de justice.

Je tiens à souligner comme une victoire stratégique dans la lutte du mouvement syndical la toute récente décision de la Chambre d’appel nationale du travail déclarant le chapitre IV du DNU inconstitutionnel dans le cadre du recours d’amparo déposé par la CGT-RA à l’encontre du pouvoir exécutif national (Poder Ejecutivo Nacional).

Au plan international, les trois centrales syndicales de la République argentine – la Confederación General del Trabajo de la República Argentina (CGT-RA), la Central Autónoma de Trabajadores y Trabajadoras de la Argentina (CTA-T) et la Central de Trabajadores de la Argentina Autónoma (CTA-A) – ont sollicité l’intervention urgente du directeur général de l’OIT et le renvoi de la plainte pour violation de la Convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical en raison de la mise en œuvre du protocole susmentionné. La même plainte a été déposée auprès des Nations Unies.

Parallèlement aux actions susmentionnées, la Confederación General de Trabajo (CGT- RA) a appelé à une grève nationale avec mobilisation le 24 janvier 2024. Cet appel a suscité un soutien important et remarquable de la part de la société argentine, ainsi que la solidarité d’innombrables organisations syndicales de par le monde.

Nous savons que ces actions revêtent une importance bien plus grande – à ce moment crucial – que la défense des intérêts professionnels des travailleurs ; ce qui est en jeu, c’est le cadre démocratique que les Argentins ont décidé de rétablir définitivement il y a plus de 40 ans.

¡Ni un paso atrás! (Nous ne cèderons pas d’un pouce !) est le mot d’ordre qui identifie notre lutte en faveur de la justice sociale pour notre peuple.

This article has been translated from Spanish by Salman Yunus