Pourquoi l’Indice CSI est « une force qui permet, plus que jamais, de construire un monde meilleur pour les personnes qui travaillent »

Cette année marque la dixième édition de l’Indice des droits dans le monde mis au point par la Confédération syndicale internationale (CSI) ; c’est le premier outil qui scrute de manière aussi complète les violations des droits des travailleurs et des travailleuses à travers le monde.

L’Indice CSI des droits dans le monde, qui passe en revue les droits fondamentaux au travail internationalement reconnus dans presque 150 pays, est largement considéré comme la principale source d’information sur les droits collectifs au travail, et utilisé par les syndicats, les gouvernements, les organisations de la société civile et, de plus en plus, par les entreprises du monde entier, qui voient en lui le critère le plus fiable pour évaluer le respect des droits des travailleurs.

Mais pourquoi en avons-nous besoin ? L’Indice est, aujourd’hui plus que jamais, une force puissante qui permet de construire un monde meilleur pour les personnes qui travaillent. Il est utilisé pour obliger les gouvernements à améliorer les droits des travailleurs en échange de prêts internationaux ; les syndicats se servent de l’Indice pour organiser des actions ciblées en faveur de changements législatifs et, dans une large mesure, l’Indice atteste de la lutte quotidienne que livrent les défenseurs des droits des travailleurs sur toute la planète.

Dénoncer les violations

Depuis quatre décennies, la CSI enregistre et dénonce les violations des droits des travailleurs en publiant des informations explicatives dans son Rapport des violations des droits syndicaux. C’est en 2014 que l’Indice CSI des droits dans le monde a vu le jour, dans le but d’améliorer la visibilité et la transparence des pays au regard des droits des travailleurs.

  • L’Indice 2023 établit un classement entre 149 pays en fonction du degré de respect des droits collectifs au travail, et dénonce les violations de ces droits dans toutes les régions du monde. Il prend en compte les textes descriptifs qui relatent les violations concrètement subies par les travailleurs, et classe les pays dans des catégories allant de 1 à 5+, selon le niveau de droits collectifs au travail dont bénéficient les travailleurs tout autour du globe. Voici quelques exemples :
  • En Corée du Sud, l’entreprise de construction navale Daewoo Shipbuilding & Marine Engineering a réclamé un dédommagement de 35 millions de dollars US aux dirigeants du syndicat de la métallurgie Korea Metal Workers’ Union pour les pertes financières prétendument occasionnées par la grève.
  • En Équateur, lors d’une grève nationale, cinq personnes ont été tuées par la police, qui a fait un usage mortel d’armes de dissuasion et arrêté plusieurs dizaines de grévistes.
  • En Eswatini, l’assassinat violent de Thulani Maseko, militant et avocat spécialiste des droits humains et syndicaux, a été largement condamné par la communauté internationale ; Sticks Nkambule, le secrétaire général du syndicat des transports et de la communication Swaziland Transport, Communication and Allied Workers Union, a fait l’objet d’intimidation et de harcèlement destinés à le réduire au silence.
  • En Égypte, les autorités ont continué de refuser arbitrairement d’enregistrer des syndicats indépendants dans plusieurs secteurs économiques, le plus souvent au motif qu’il existait déjà des syndicats contrôlés par l’employeur.
  • Au Royaume-Uni, l’antisyndicalisme, les violations des conventions collectives et les tentatives d’imposer une législation qui limite le droit de grève et le droit d’organiser des manifestations sont devenus systématiques.

L’Indice sert également de référence pour les droits des travailleurs sur l’ensemble de la planète.

La méthodologie repose sur les normes internationales relatives aux droits fondamentaux au travail, en particulier le droit de liberté syndicale, le droit de négociation collective et le droit de grève.

La législation nationale et les rapports communiqués par les affiliées de la CSI au niveau national sont analysés par l’équipe juridique de la CSI et comparés à une liste de 97 indicateurs émanant des Conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT) :

  • Jurisprudence découlant des mécanismes de contrôle de l’OIT.

Les violations dans la loi et dans la pratique sont identifiées et classées dans des catégories cohérentes, prédéterminées et clairement définies.

Établir un point de comparaison mondial unique pour les droits des travailleurs

L’Indice CSI des droits dans le monde est un outil efficace de campagne et de sensibilisation, que la CSI utilise dans les forums internationaux, sa communication et ses rapports sur certains enjeux mondiaux ou sur des pays spécifiques. La CSI est la plus grande confédération syndicale du monde et elle lutte à ce titre contre les violations des droits des travailleurs et des droits syndicaux, quel que soit le lieu où elles surviennent.

Dans un nombre croissant de pays, les travailleurs et leurs représentants se heurtent à des obstacles majeurs pour défendre leurs droits collectivement, et ils sont exposés à une violence extrême et aux mauvais traitements. La CSI est engagée dans une intense campagne générale qui soutient leur combat pour obtenir des droits fondamentaux.

Les affiliées de la CSI utilisent beaucoup l’Indice aussi dans leurs campagnes nationales sur les changements politiques et les amendements à la législation qui, lorsqu’ils sont appliqués dans la loi et la pratique, peuvent avoir une incidence sur le classement d’un pays.

Étant donné que les organisations et les institutions internationales s’appuient de plus en plus sur l’Indice pour évaluer la situation des droits des travailleurs et décider d’une éventuelle coopération technique ou de l’assistance financière à fournir à un pays, l’Indice se révèle être un moyen de pression efficace pour inciter les gouvernements à veiller à ce que leurs lois, politiques et pratiques soient conformes aux normes internationales du travail.

Par exemple, la Banque interaméricaine de développement (BID) a exigé que le Mexique améliore son classement dans l’Indice comme condition préalable à l’attribution d’un prêt. En 2020 et 2021, le Mexique a adopté des réformes mettant fin aux contrats de protection qui constituaient la principale entrave à une véritable négociation collective dans le pays, ce qui a permis d’améliorer son classement dans l’Indice. Tenant compte des changements effectués par le gouvernement, et de ce nouveau classement, la BID a octroyé le prêt au Mexique.

Les assemblées législatives nationales ont, elles aussi, manifesté un intérêt grandissant pour l’Indice CSI des droits dans le monde :

En 2019, le Congrès brésilien a organisé une session spéciale pour discuter de l’apparition du pays sur la liste des dix pires pays au monde pour les droits des travailleurs. À ce moment-là, le gouvernement de Jair Bolsonaro avait mis en place des changements législatifs dans la consolidation révisée des lois du travail, érigeant en principe général la supériorité des conventions collectives par rapport à la législation, ce qui signifiait qu’il était possible, par le biais de la négociation collective, de ne pas donner effet aux dispositions juridiques protectrices, à l’exception de quelques droits du travail définis dans la Constitution.

La même année, au Royaume-Uni, des membres de la Chambre des communes ont déposé une motion indiquant que le pays figurait au « classement de l’Indice CSI des droits dans le monde, parmi les pays qui bafouent régulièrement les droits, dans la catégorie trois, c’est-à-dire une des pires pour l’Europe. » Les parlementaires ont fait part de leur « profonde préoccupation face aux violations des droits des travailleurs commises par le gouvernement et des employeurs, ou à leur incapacité de garantir ces droits » et ont exhorté le gouvernement à « procéder à un examen approfondi des droits des travailleurs pour renforcer le rôle de la négociation collective sur le lieu de travail. »

En classant presque 150 pays en fonction du degré de respect des droits fondamentaux au travail, indépendamment de leur niveau de développement économique, de leur taille ou de leur situation géographique, l’Indice CSI des droits dans le monde offre un cadre de comparaison unique et un repère mondial pour la loi et les responsables politiques.

Améliorer la responsabilité des entreprises

En dénonçant les violations des droits des travailleurs, l’Indice CSI des droits dans le monde demande aux gouvernements, comme aux entreprises, de rendre des comptes.

Les entreprises ont l’obligation de respecter les droits humains internationalement reconnus, notamment les droits collectifs au travail, et d’éviter les actions qui fragilisent ces droits ou empêchent les travailleurs de les exercer et de s’en emparer.

Les pays étant toujours plus nombreux à adopter une législation sur la diligence raisonnable pour les droits humains, les travailleurs et la société en général réclament davantage de responsabilité des entreprises, et les décideurs considèrent l’Indice comme une ressource importante pour mesurer et combler les lacunes existant au niveau de la protection des travailleurs, surtout dans les chaînes d’approvisionnement mondiales.

Dans un contexte où le comportement des entreprises fait l’objet d’une surveillance accrue, des entreprises et des consultants prennent des mesures positives en matière de responsabilité sociale afin d’intégrer l’Indice CSI des droits dans le monde dans leurs études d’impact sur les droits humains.

Encourager le changement


En 2014, l’Indice CSI des droits dans le monde a été conçu comme un moyen d’observer et d’analyser la manière dont les pays et les entreprises respectent les droits des travailleurs. Quasiment une décennie plus tard, l’Indice est devenu une base de données unique en son genre et une source d’évaluation des droits des travailleurs qui fait autorité partout dans le monde.

Dans de nombreux pays, les syndicats occupent le premier plan de la lutte pour la démocratie, et sont souvent la seule voix indépendante restante. En révélant systématiquement les attaques des gouvernements à l’encontre des travailleurs et de leurs représentants, telles que les arrestations arbitraires et la répression violente des grèves et des manifestations, l’Indice a permis de mieux prendre conscience et de mieux comprendre les liens intrinsèques entre le respect des droits des travailleurs et la force de toute démocratie.

L’Indice a également permis de lever le voile sur des pratiques d’entreprise qui ont contribué à perpétuer l’incapacité des États à promouvoir, respecter et remplir leurs obligations au regard des droits humains et des droits du travail, en favorisant par exemple l’oppression et la violence contre les citoyens et les travailleurs, et d’exiger que les entreprises rendent davantage de comptes par rapport à leurs propres décisions et opérations commerciales quant à leur responsabilité de respecter les droits humains et les droits du travail et de mobiliser leur potentiel à cette fin.

L’Indice est un puissant catalyseur de changement. Il joue un rôle essentiel pour jeter les bases d’une action ciblée de la part du mouvement syndical international, aux niveaux national et international, en particulier dans les pays à risque, et il sert de plus en plus souvent à évaluer les risques pour les droits humains et les droits du travail lors des prises de décisions relatives aux investissements.