Les législations et les certifications suffisent-elles pour arrêter la déforestation illégale ?

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S’agissant du commerce mondial illégal de bois, les rapports alarmants semblent côtoyer des initiatives rassurantes.

Par exemple, on apprend dans une récente publication de l’ONG Forest Trends, basée à Washington, que près de la moitié de la déforestation tropicale liée à l’agriculture commerciale est illégale, une situation qui est particulièrement répandue sur le marché des exportations.

De 2000 à 2013, la demande pour des produits comme la viande de bœuf, le cuir, le bois, le soja et l’huile de palme sur les marchés de l’Union européenne, des États-Unis et de la Chine ont conduit à la perte de plus de 200.000 kilomètres carrés de forêt tropicale.

Michael Jenkins, président et directeur général de Forest Trends, explique dans un communiqué de presse :

« Il est nécessaire d’augmenter la production agricole pour garantir la sécurité alimentaire et pour satisfaire aux demandes de la nouvelle classe moyenne mondiale.

Toutefois, il faut aussi que le monde prenne conscience de la part de cette production réalisée sur des terres qui ont subi des déforestations illégales.

Il faut agir au plus vite et soutenir les pays où ces denrées agricoles sont cultivées, afin de veiller à ce que les gouvernements mettent en œuvre leurs propres législations et réglementations, mais aussi pour que les entreprises s’appliquent à produire des biens en toute légalité et de façon pérenne. »

Pourtant, il existe déjà d’innombrables initiatives visant à atténuer les effets de la déforestation, allant de mécanismes volontaires dépendant de la « bonne volonté » des consommateurs à différents cadres réglementaires.

Ce mois-ci, par exemple, on célèbre le 20e anniversaire du plus vieux programme de certification de forêt au monde, le Forest Stewardship Council (FSC), tandis qu’au niveau législatif national, une loi australienne remarquable, destinée à réduire le commerce illégal de bois, entrera en vigueur en novembre.

 

Certification

Il y a 20 ans, dans un petit bureau d’Oaxaca (Mexique), trois membres du personnel du FSC ont commencé à certifier les forêts.

L’idée derrière le logo du FSC était l’amélioration des normes en vigueur dans le secteur forestier en récompensant les bonnes pratiques des entreprises.

Hélas, deux décennies plus tard, d’importantes parties de la chaîne d’approvisionnement en bois sont toujours teintées d’illégalité et participent à la déforestation.

De plus, malgré de nombreuses expériences positives, la crédibilité du logo FSC a été remise en cause à diverses reprises.

Des groupes de la société civile se sont en effet plaints que tous les produits certifiés par le FSC n’étaient pas issus de sources responsables.

Récemment, Global Witness a déposé une plainte officielle auprès du FCS, car, selon l’organisation, l’un de ses partenaires certifiés au Vietnam empiétait sur des terres et prélevait du bois au Cambodge et au Laos.

Le système du Forest Stewardship Council (FSC) semble donc avoir des failles, mais des améliorations sont en cours.

John Hontelez, le principal responsable des actions de plaidoyer chez FSC, a récemment déclaré à Equal Times : « Le Forest Stewardship Council est conscient que son système actuel de traçabilité n’est pas parfait et c’est la raison pour laquelle le FSC revoit actuellement ses normes. »

Plus tôt dans le mois, lors de la conférence du FSC pour son 20eanniversaire à Séville (Espagne), Greenpeace a fait savoir que le FSC reconnaissait le besoin de protéger les paysages forestiers intacts, surtout dans le cadre de l’approvisionnement des marchés étrangers.

De plus, outre des initiatives privées non contraignantes, comme les activités du FSC, des instances publiques s’efforcent aussi de réduire le commerce illégal de bois.

 

« Connaître vos chaînes d’approvisionnement »

Dans l’Union européenne, aux États-Unis et en Australie, des lois sont en place pour interdire aux entreprises de vendre du bois illégalement abattu sur leur marché. Les sociétés sont obligées de contrôler leurs chaines d’approvisionnement et de veiller à ce que leur bois ne soit pas issu d’exploitations illégales.

Rachel Butler, qui représentait l’industrie du bois pendant les négociations relatives au règlement de l’UE dans le domaine du bois avant son adoption en 2010, a noté que « la législation oblige les sociétés du bois à comprendre et à connaitre leurs chaines d’approvisionnement, ce qui, sur un marché commercial concurrentiel, est avantageux pour l’entreprise ».

Pourtant, il y a peu, Greenpeace a accusé un grand fournisseur britannique de la construction, Jewson, de vendre du bois d’ipé provenant de l’état de Pará au Brésil sans être capable de prouver qu’il n’avait pas été coupé illégalement.

Les législations ne permettent pas toujours de modifier instantanément les pratiques, mais elles peuvent aider à faire peser plus de pression sur les entreprises pour qu’elles assument la responsabilité de ce qui se produit le long de leurs chaînes d’approvisionnement.

Par exemple, en août 2012, le ministère de la Justice des États-Unis a exigé que la société Gibson Guitar paie plus de 600.000 dollars US d’amende, car elle était notamment accusée d’être en possession de bois précieux illégalement importés de forêts protégées de Madagascar.

Depuis cette décision, la société a mis en place une politique d’achat responsable, prévoyant l’engagement de membres du personnel directement dans les pays producteurs qui veillent à ce que Gibson Guitar n’acquière que des bois issus d’exploitations légales.

Emily Unwin, une avocate de l’ONG ClientEarth, a expliqué à Equal Times  : « Même s’il faut encore travailler pour que les législations européennes, américaines et australiennes remplissent leur mission, leur adoption a accru la surveillance et a amélioré la communication relative aux différents risques associés à l’exploitation illégale de bois le long des chaines d’approvisionnement. C’est une première étape pour mettre efficacement un terme au commerce illégal de bois. »

Il est essentiel de veiller à l’application des lois pour qu’elles réduisent effectivement l’exploitation illégale des forêts et il faut apporter le même soin aux documents.

Les acheteurs doivent pouvoir s’appuyer sur des preuves matérielles, certains qu’elles n’ont pas été falsifiées, et si le faible degré d’application des lois dans les pays forestiers continue de poser des problèmes, ce dernier point est impossible à vérifier.

Les témoins d’abattages illégaux sont par ailleurs des éléments précieux pour veiller à la légalité de la chaine d’approvisionnement en bois.

Malheureusement, depuis des années, les militants sont la cible de violence armée. Ce mois-ci, le dirigeant péruvien autochtone, Edwin Chota, qui a déposé une plainte en avril dans laquelle il identifiait des acteurs de l’exploitation forestière illégale, a été assassiné.

Ce triste évènement rappelle avec force que l’application des lois et le respect des droits humains sont des conditions préalables essentielles pour réduire efficacement les abattages illégaux.

 

Cet article a été traduit de l'anglais.