Mobilisation mondiale en défense du droit de grève

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Face aux attaques contre le droit de grève aux quatre coins du monde, les syndicats ont déclaré une Journée internationale d’action le 18 février.

La journée d’action en soutien au droit de grève a été annoncée par la Confédération syndicale internationale (CSI) à la suite d’un différend avec le groupe des employeurs de l’Organisation internationale du travail (OIT) qui dément l’existence-même de ce droit.

Depuis 2012, le groupe des employeurs soutient que la Convention 87 de l’OIT sur la liberté syndicale ne garantit pas effectivement le droit de grève aux travailleurs.

Dans un entretien avec Equal Times, Jeffrey Vogt, directeur du département juridique de la CSI a indiqué que le groupe des employeurs « désavoué plusieurs décennies de jurisprudence constante et même, de fait, son propre soutien antérieur. »

Et d’ajouter que les employeurs avaient « remis en cause la compétence-même de l’OIT à interpréter ses propres conventions » et ce dans le cadre d’une démarche qui vise vraisemblablement à saper l’autorité et la capacité internationale de l’OIT à étendre les droits fondamentaux, y compris le droit de grève, aux travailleurs d’une majorité de pays.

« Malgré leur insistance, les employeurs ont refusé de soumettre leurs convictions à l’arbitrage de la Cour internationale de justice, laissant l’OIT dans l’impasse », a-t-il dit.

« La CSI a appelé à une Journée internationale d’action, le 18 février, pour affirmer que les travailleurs ne renonceront pas à leur droit de grève, un droit internationalement reconnu, et qu’ils attendent des gouvernements qu’ils respectent ce droit tant à l’échelon national qu’international. »

 

Attaques mondiales contre le droit de grève

Selon l’Indice CSI des droits dans le monde, le droit de grève fait déjà fréquemment l’objet de restrictions en droit et de violations en pratique aux quatre coins du monde, dont des exemples choquants peuvent être cités dans tous les continents.

Quand le Syndicat coréen des travailleurs des chemins de fer (Korean Railway Workers’ Union, KRWU) a lancé un mot d’ordre de grève à la Korea Railroad Corporation (KORAIL), celle-ci a répondu en licenciant sur-le-champ plus de 6700 travailleurs. Autrement dit, pratiquement tous les travailleurs en grève ont perdu leur emploi.

Des rapports ont paru faisant état d’un climat de répression antisyndicale dans ce pays où, s’agissant des questions sociales, l’actuel gouvernement est notoire pour son parti pris marqué en faveur des grandes entreprises.

Suite aux manifestations meurtrières survenues l’année dernière dans le secteur de l’habillement au Cambodge, des associations d’entreprises locales ont retiré les annonces des journaux nationaux qui martelaient incessamment la position du groupe des employeurs selon laquelle « le droit de grève ne constitue pas un droit fondamental » et n’est pas prévu aux termes de la Convention 87 de l’OIT.

Au Swaziland, cinq dirigeants du Syndicat des travailleurs des transports et connexes (Swaziland Transport and Allied Workers Union, STAWU) ont été traduits en justice en vertu de la loi sur la circulation routière pour avoir convoqué une assemblée syndicale dans un parking de l’aéroport. Ces chefs d’accusation pèsent encore contre eux à l’heure qu’il est.

En Espagne, 260 travailleurs sont actuellement poursuivis pour leur participation à des mouvements de grève. La crise économique a été invoquée par l’actuel gouvernement espagnol comme justification pour l’affaiblissement des droits des travailleurs et, a fortiori, ceux des jeunes.

D’après Jesus Gallego, coordinateur international auprès du FSP-UGT, syndicat de la fonction publique, à Madrid, si l’actuel gouvernement espagnol a engagé ce processus, c’est dans le seul but de « pénaliser le droit de grève et le droit de manifester. »

« Quarante années ont passé depuis que le peuple espagnol a obtenu le droit de grève et le droit de manifester. D’aucuns tenaient ces droits pour acquis. Mais à présent, il semblerait que nous ayons peut-être eu tort », a-t-il dit. « Aujourd’hui, l’Espagne est en train de réintégrer la liste noire de pays où la pénalisation des droits syndicaux est une réalité : Guatemala, Algérie, Biélorussie, Corée du Sud, Grèce, Honduras et Colombie, entre autres. »

Des mesures rétrogrades existent également aux États-Unis. Diverses failles et faiblesses présentes dans le National Labor Relations Act (code du travail des États-Unis) ont permis aux employeurs de remplacer définitivement des travailleurs en grève ou d’empêcher, de fait, ces derniers de constituer un syndicat.

Au Canada en revanche, une décision historique rendue par la Cour suprême au début de cette année stipulait que le droit de grève constitue une partie essentielle de tout processus de négociation collective valable et est partant protégé par la constitution canadienne.

La Cour a statué qu’une loi qui exclut une partie des employés de la fonction publique du droit de grève est une loi anticonstitutionnelle.

Dans le même temps, de nouveaux espoirs pointent en Grèce avec la décision du gouvernement Syriza nouvellement élu d’abroger les réformes de la législation du travail introduites par le précédent gouvernement.

Des actions ont d’ores et déjà été préparées dans le cadre de la Journée du 18 février par les membres des syndicats de divers pays, dont Thaïlande, Cambodge, Nouvelle-Zélande, Pakistan, Inde, Corée, Russie, Turquie, Ouganda, Botswana, Colombie, Espagne, France, Belgique, Slovaquie et Ukraine.

Affirmant son soutien pour l’action, Rosa Pavanelli, secrétaire générale de l’Internationale des services publics (ISP) a déclaré : « Les clauses du travail qui renvoient aux normes de l’OIT ne constituent pas une garantie pour le respect des droits des travailleurs si l’autorité de l’OIT continue d’être compromise. C’est pourquoi il s’agit d’un enjeu prioritaire pour tous les travailleurs. »

En mars 2015, le Conseil d’administration de l’OIT devra arriver à une décision sur la résolution du conflit entre le groupe des travailleurs et celui des employeurs. Si aucun accord n’est avenant, la CSI demandera un renvoi devant la Cour internationale de justice aux fins d’obtenir un avis consultatif.

 

Cet article a été traduit de l'anglais.